Le retour d’expérience (RETEX) : un atout au service de la santé

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Selon le  Directeur Général de la Santé, évoquant en  2019 les situations d’urgence sanitaire et les exercices de simulation, l'amélioration de la maîtrise des risques sanitaires passe par l’usage des retours d'expériences de type RETEX. Ces derniers devraient ainsi constituer une culture commune des professionnels de santé, et irriguer toutes les strates depuis les directions ministérielles jusqu’aux services déconcentrés. La collecte et l’analyse des situations rencontrées sont présentées comme des atouts pour gérer celles à venir.   

 

Quelle est l’utilité de cette démarche ? Quels acteurs sont impliqués ? Quelles sont les étapes de sa mise en place ?

 

Réponses dans cet article. 

 

La pratique du retour d’expérience, formalisée ou non, est en fait utilisée depuis très longtemps. Souvent mise en œuvre au sein des armées et pendant les périodes de conflits  (le “ debriefing “), elle est devenue un outil incontournable de l’amélioration continue et de la résilience. Ainsi, les réunions essentiellement techniques de départ et de retour de missions ont évoluées vers des méthodologies d’analyse d’événements quels qu’ils soient.

 

Mais, aussi simpliste que cela puisse paraître, un retour d'expérience constructif et réussi nécessite… une expérience et un retour ! Il faut donc que la démarche favorise les remontées d’informations et leur analyse avec, à la clef, une décision et des actions concrètes.  

 

Traduits par les acronymes RETEX ou bien REX, voyons comment cette méthode a intégré le domaine de la santé.

 

Pourquoi utiliser le RETEX en Santé ?

« Errare humanum est, perseverare diabolicum »

Les enjeux de santé publique nous concernent collectivement au premier plan et constituent aussi des sujets sensibles pour chacun d’entre nous. Ils sont multiples : humains, techniques, économiques, juridiques, financiers, organisationnels… 

 

Si les progrès des connaissances scientifiques et médicales sont indéniables, il n’en demeure pas moins qu’ils s’accompagnent aussi d’erreurs ou d’accidents potentiels, d’autant plus sensibles qu’ils peuvent affecter des vies humaines.

 

Les autorités sanitaires locales ou internationales ont bien compris ce paradoxe et ont favorisé l’usage du Retour d’Expérience RETEX comme l’un des piliers de l’amélioration continue au service d’une sécurité sanitaire globale. 

 

A l’échelle des Nations Unies, l’Organisation Mondiale de la Santé caractérise la démarche liée au RETEX comme “ une évaluation en profondeur des actions de gestion entreprises au cours d’un événement de santé publique, faites par la suite afin d’identifier les lacunes, les leçons et les meilleures pratiques. …  Le RETEX aide à identifier de manière systémique et collective ce qui a et ce qui n’a pas fonctionné, et pourquoi et comment s'améliorer. “

 

Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies recommande également cette pratique.

 

En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) entretient une large diffusion de supports visant à promouvoir et à accompagner le Retour d’Expérience RETEX, en intégrant toutes les parties prenantes concernées. On peut notamment citer des fiches mémo et le guide très complet dédié aux situations d’urgence sanitaire et exercices de simulation. Cette posture est largement transposable à de nombreux autres cas de figures liés à l’activité quotidienne. 

 

Le réflexe RETEX est donc bien ancré dans le milieu de la santé, conforté par des standards internationaux et nationaux, ou par des pratiques locales. Il permet ainsi de démontrer la capacité des établissements de capitaliser la survenue d'événements donnés afin d’en tirer des conséquences constructives. Il valorise les initiatives et les réflexions engagées par les professionnels de santé. La démarche permet de mettre en avant les bonnes pratiques et de développer en parallèle une véritable culture sécurité en interne.

 

A noter qu’il existe plusieurs méthodes de retour d’expérience propres au domaine de la santé (RMM, CREX, REMED) :

 

  • Le RETEX représente la démarche globale de retour d’expérience
  • Le CREX (comité de retour d’expérience) est une instance de pilotage, composée de plusieurs professionnels. Le CREX analyse des événements émanant de l’ensemble des activités de soins. 
  • La RMM (revue de morbidité-mortalité) consiste à analyser collectivement, en équipe, un événement indésirable lié aux soins (EIAS) 
  • La REMED (revue des erreurs liées aux médicaments et dispositifs médicaux associés) constitue une méthode de retour d’expérience dédiée aux erreurs médicamenteuses. 

 

Le CREX, peut se baser sur différents outils dans le cadre de l’analyse des causes, et notamment sur la grille ALARM (causes racines des EIAS classées en sept catégories).

 

Quelles que soient les méthodes et les outils utilisés pour concrétiser un retour d’expérience, son enjeu principal est bien de permettre aux  services de s’améliorer, de parfaire leur fiabilité et de maintenir des gains obtenus. L’objectif est d’être capable de faire face à une situation imprévue, en en minimisant les conséquences, et s’appuie sur des interactions fortes au sein des équipes

Enfin, l’aspect éthique, très présent en santé, renforce la recherche permanente d'une organisation efficace, fiable et résiliente.

 

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Quels sont les principaux acteurs associés au RETEX ?

 

En 2006, le chef d’état-major de l'armée de l’air française a officialisé, de façon innovante dans le milieu militaire,  l’absence de sanctions pour toute déclaration d’erreurs commises. Il définissait des erreurs par “ tout écart involontaire et non répétitif aux objectifs ou intentions.” 

 

Cette “ dépénalisation ” interne constitue l’une des règles structurantes contribuant à parfaire la fiabilité des organisations. Il convient donc de libérer la parole afin que les acteurs puissent témoigner de dysfonctionnements sans crainte de reproches à titre personnel. Il s'agit bien de juger un système plutôt que des personnes et de distinguer l’erreur de la faute.

 

Les acteurs concernés au premier chef par une démarche RETEX témoignent d’une approche globale et transversale.

 

  • La direction : cette dernière doit s’impliquer et promouvoir ce type d’exercice. Elle est garante de la communication des conclusions et des enseignements tirés.
  • Le référent RETEX : Il assure le respect  d’une méthodologie prédéfinie et contribue à la formation et à l’accompagnement. Le référent n’est pas forcément désigné comme étant le pilote de chaque Retour d’Expérience RETEX. 
  • Le pilote : maîtrisant le thème étudié, il est responsable du bon déroulement de la démarche et  rend compte des travaux menés. Il bénéficie de l’appui du référent. 
  • Les personnels concernés par l’événement : Ils sont à la fois témoins et ressources dans le cadre d’une réflexion collective et multi-catégorielle.
  • Les partenaires extérieurs : Ils peuvent être associés si leur implication dans le processus analysé est avérée.

 

On notera que les qualiticiens et les responsables HSE sont souvent rompus à ce type d’exercice et peuvent donc être des référents en la matière. 

 

L’aspect temporel est à prendre en compte. Le délai entre la déclaration d’un événement et son traitement réel doit être compatible avec les enjeux visant à supprimer un risque ou à le réduire. Des mesures de réaction immédiates sont alors parfois opportunes avant même de débuter un RETEX !

 

Le seul fait de déclencher ou pas des Retours d’Expérience (ou de les prioriser) peut relever d’une décision formalisée, en s’appuyant par exemple sur l'occurrence et la gravité des faits étudiés.

 

Quelles sont les étapes de mise en œuvre du RETEX ?

 

Etape 1 : La phase de préparation 

 

Au préalable, il s’agit de déterminer les objectifs et le périmètre du Retour d’Expérience RETEX : s’agit-il d’une analyse générale de la stratégie de l’établissement, ou au contraire, doit-on cibler un processus en particulier ?

 

On va ensuite déterminer les acteurs concernés par le RETEX en question, ainsi que les ressources nécessaires à sa réalisation et à sa coordination.

Le déploiement d’un modèle RETEX nécessite la mise en place d’un calendrier, qui peut être représenté à travers un diagramme de Gantt par exemple.

 

Etape 2 : La collecte des informations

 

Cette étape de la mise en œuvre du RETEX permet de regrouper tous les éléments factuels liés à l’événement à analyser. Cela comprend les témoignages des déclarants et des acteurs concernés au sens large, combien même ils ne seraient pas impliqués directement. Il faut aussi collecter les ressources documentaires (règlements, procédures,...) et disposer si possible de données statistiques ressortissant  d’éventuels événements similaires ou bien d’activités en rapport avec ces derniers. La confidentialité de certaines données, notamment liées au secret médical, doit bien sûr être préservée et sacralisée.

 

Etape 3 : L’analyse des informations

 

Il s’agit d’évaluer, de mesurer les écarts s’ils existent, avec un contexte prévu. Les différents points tant positifs que négatifs seront listés afin d’alimenter les axes d’amélioration. Les outils classiques du monde de la qualité peuvent être mobilisés à cet effet : AMDEC, QQOQCP, 5 Pourquoi, Ishikawa. Ainsi, il conviendra de déterminer les composantes présentes (matérielles, humaines, organisationnelles,...), de cerner les circonstances et le contexte, et de déterminer les causes profondes.

 

Etape 4 : L’exploitation des données

 

Après avoir réalisé l’analyse des informations, il s’agit de les exploiter pour en tirer des enseignements concrets.

 

Une analyse collective aboutit à un rapport formel qui  retrace le cheminement des étapes précédentes et les conclusions qui en émanent. Des solutions sont proposées : palliatives, préventives ou curatives.

 

Etape 5 : Le partage avec les parties prenantes

 

Les enseignements tirés de l’étude sont communiqués en toute transparence à l’ensemble des acteurs concernés ou susceptibles de l’être. Les  notions d’apprentissage et d'amélioration trouvent ici toute leur dimension. Les solutions validées doivent l'être par un échelon doté d’un pouvoir de décision pour les officialiser. Une totale absence de crainte de ruptures vis-à-vis des pratiques précédemment en place est essentielle.

 

Etape 6 : La mise en œuvre des solutions retenues

 

La démarche n’a d'intérêt que si elle permet d’agir concrètement. Un plan d’actions accompagnera utilement cette phase qui devra elle-même faire l’objet d’une évaluation. Là encore, un calendrier sera utile pour suivre ce déploiement. 

 

La démarche de Retour d'Expérience RETEX demande d’analyser et de suivre un certain nombre de données, au travers d’un groupe de travail dédié. Des outils numériques permettent de faciliter les interactions et la communication entre les différents acteurs, tout en renseignant en temps réel l’avancement des différentes phases de réflexion.



Le retour d'expérience, par définition, est mis en œuvre a posteriori. Il observe le présent et s’appuie sur la passé pour préserver l’avenir. Contrairement aux études prédictives, il possède l’avantage d’être alimenté par la réalité, par des éléments factuels. 

 

La crainte de communiquer sur des faits potentiellement opposables doit être levée afin de privilégier l’amélioration continue et de renforcer la résilience. Largement influencé par ces objectifs et par des enjeux à forte sensibilité dans le domaine de la sécurité des soins, le RETEX génère un véritable processus d’apprentissage collectif. 

 

Il n’est donc pas surprenant que cette démarche de progrès ait conquis de nombreux secteurs, à commencer par les milieux de la santé.

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