Résilience : La biodiversité va-t-elle supplanter le bilan carbone ?
Imaginez un tissu vivant, finement tissé, composé d'innombrables fils représentant des interactions et des interdépendances essentielles : Pollinisation des cultures, régulation des parasites, cycles de décomposition des matières organiques, purification de l'eau et de l'air, et bien d'autres encore… La biodiversité est bien plus qu'un simple terme scientifique, elle est le fondement même de la vie sur Terre. Sans ce tissu complexe, notre survie serait compromise. Elle représente la pierre angulaire de notre existence.
Qu’est-ce que la biodiversité ? Quel est l’impact de l’homme sur celle-ci ? Comment la préserver ? On se penche sur la question.
Au-delà de notre survie physique, la biodiversité est cruciale pour notre bien-être psychologique et économique. 99% de notre alimentation provient des ressources naturelles, et 40% de l'économie mondiale dépend des services écosystémiques, tels que la pollinisation des plantes, la résilience des sols, et la régulation du climat. Cependant, notre utilisation des ressources dépasse actuellement la capacité de régénération des écosystèmes, menaçant ces équilibres vitaux.
La biodiversité : De quoi parle-t-on ?
D’après le Journal Officiel du 12 avril 2009, la biodiversité est la « diversité des organismes vivants, qui s'apprécie en considérant la diversité des espèces, celle des gènes au sein de chaque espèce, ainsi que l'organisation et la répartition des écosystèmes. » La biodiversité est un réseau riche et complexe d’interactions et d’interdépendances (reproduction, pollinisation, alimentation, épuration de l’eau, régulation climatique, formation des sols arables et fertilité, biodégradation…).
Un écosystème désigne l'ensemble formé par la biocénose (communautés d’espèces en interrelations) et son biotope (milieu et conditions particulières dans lequel les communautés d’espèces évoluent). La vie sur terre et la pérennité de l’humanité reposent sur des équilibres naturels.
On parle de services écosystémiques* pour définir les bénéfices tirés des écosystèmes par les populations. Il existe quatre catégories de services écosystémiques :
- Services d’approvisionnement : Biens ou produits tirés des écosystèmes, de type nourriture, eau douce, bois d’œuvre ou fibre de bois.
- Services de régulation : Bénéfices tirés de la régulation par l’écosystème de processus naturels tels que le climat, les pathologies, l’érosion, les flux hydriques ou la pollinisation, ainsi que la protection contre les risques naturels. Par « régulation » dans ce contexte, on entend le contrôle de phénomènes naturels ; le terme ne doit pas être confondu avec celui de « réglementation » en matière de politiques ou de législation.
- Services culturels : Bénéfices intangibles tirés des écosystèmes de type loisirs récréatifs, valeurs spirituelles ou plaisir esthétique.
- Services de soutien : Processus naturels comme le cycle des nutriments ou la production primaire qui servent de support aux autres services »
*Source : Millennium Ecosystem Assessment (MEA), 2003. Ecosystems and Human Well-Being. A Framework For Assessment, Washington D.C., Island Press.
La biodiversité et les écosystèmes : Notre assurance-vie
La biodiversité peut être considérée comme le pendant du Bilan Carbone. Alors que ce dernier se concentre sur la réduction des émissions de CO2, la biodiversité joue un rôle crucial en captant ce CO2 et en le convertissant en oxygène, notamment par la photosynthèse. Ainsi, à mesure que les entreprises s'efforcent de réduire leur empreinte carbone, il devient tout aussi crucial de préserver et de restaurer la biodiversité pour assurer un cycle naturel de régénération.
Toutes les organisations sont concernées, même celles des secteurs tertiaires. Les employés se déplacent, utilisant des carburants issus de ressources primaires, chacun consomment des aliments cultivés sur des sols naturels et utilisent diverses ressources issues des écosystèmes. Jusqu'à présent, l'accent a souvent été mis sur la protection des espèces menacées. Cependant, il est tout aussi important de préserver les écosystèmes dans leur ensemble, car ce sont eux qui assurent la captation du CO2 et sa conversion en oxygène (photosynthèse).
L'homme a toujours interagi avec les écosystèmes, parfois en augmentant la biodiversité par des pratiques agricoles diversifiées comme le bocage. Toutefois, l'urbanisation, l'industrialisation et l'agriculture intensive réduisent aujourd'hui ces écosystèmes. La nature ne peut plus compenser les dégradations humaines à un rythme suffisant.
Le devoir d’agir
Dans son rapport de 2020, la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB), estime que 75% du milieu terrestre est « sévèrement altéré » par les activités humaines (66% pour le milieu marin), et que la dégradation des sols a réduit de 23% la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale. L’impact de l’activité humaine n’est pas à prendre à la légère quand on sait que 80% des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, liés à la pauvreté, la faim, la santé, l’eau, les villes, le climat, les océans et les sols pourraient ne pas être atteints en raison de la dégradation massive de la biodiversité.
Les organisations, qu'elles soient publiques, privées ou associatives, doivent désormais évaluer l'impact de la biodiversité dans leur sphère d'influence. Elles doivent identifier leur potentiel d'action pour la préservation de la biodiversité et s'engager activement dans cette démarche. Faire appel à des experts en la matière pour guider ces initiatives peut offrir des bénéfices considérables non seulement pour l'environnement mais aussi pour la pérennité des activités humaines.
Le cadre ESRS E4 : Un outil précieux
Dans ce contexte, la norme ESRS E4 (European Sustainability Reporting Standards E4) de la Directive Européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) représente un cadre très riche et un excellent outil pour piloter la démarche biodiversité et écosystèmes des entreprises. Cette norme vise à spécifier les exigences de divulgation permettant aux utilisateurs des états financiers de comprendre comment une entreprise affecte la biodiversité et les écosystèmes, les actions entreprises pour prévenir ou atténuer les impacts négatifs, et les plans pour adapter sa stratégie en respectant les limites planétaires.
L’ESRS E4 demande aux entreprises d’identifier les risques et opportunités liés à la biodiversité et d'évaluer les effets financiers de ces facteurs sur le court, moyen et long terme. En intégrant l’ESRS E4, les organisations peuvent structurer leurs actions en faveur de la biodiversité, mesurer leur impact et rendre compte de leurs progrès de manière transparente et cohérente.
En France, L'AFNOR a rédigé une norme d'application volontaire pour favoriser l'engagement des organisations en faveur de la biodiversité. La norme NF X32-001 fournit un outil adapté à ces enjeux. Les problématiques de conservation, de restauration et d’utilisation durable de la biodiversité et des ressources naturelles sont prises en compte.
Au-delà du Bilan Carbone visant à dresser un état des lieux ainsi que réduire l’impact des organisations sur l’environnement, la biodiversité va plus loin dans une démarche de résilience. Elle est essentielle non seulement pour la survie de l’humanité mais aussi pour la santé économique mondiale. La préservation de la biodiversité doit être une priorité. Tout comme le bilan carbone, elle est devenue une obligation réglementaire, poussant les entreprises à intégrer cette dimension dans leurs stratégies pour assurer un avenir durable.
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