L’urgence climatique s’impose comme LE défi majeur du XXIe siècle. Les catastrophes environnementales se multiplient, entraînant des pertes humaines, écologiques et économiques considérables. Depuis l’an 2000, les coûts liés à ces événements dépassent les 3 600 milliards de dollars, selon le Forum économique mondial. Malgré l’ampleur des enjeux, les freins individuels et collectifs ralentissent la mise en œuvre de solutions concrètes. Pourtant, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport du 16 septembre 2025, le coût de la transition écologique reste bien inférieur à celui de l’inaction.  

Alors, qu’est-ce que le coût de l’inaction ? Combien cela nous coûte ? Pourquoi hésite-t-on encore à agir ? Je vous explique. 

Dans ce contexte d’urgence climatique, il devient essentiel de rappeler que l’action, même imparfaite, vaut mieux que l’inaction. Chaque geste compte, chaque décision influence notre avenir et chaque retard se paie cher. 

Coût de l’inaction :  De quoi parle-t-on ? 

Le coût de l’inaction climatique ne se mesure pas seulement en degrés supplémentaires ou en catastrophes naturelles plus fréquentes. Il se traduit aussi par une dette économique, sociale et environnementale croissante. Selon le Forum économique mondial, les dommages liés au changement climatique ont déjà dépassé les 3 600 milliards de dollars depuis l’an 2000. En France, la Cour des comptes estime qu’un scénario de statu quo (si rien n’est fait) entraînerait une perte de 11,4 points de PIB d’ici 2050. Ce coût, bien supérieur à celui des investissements nécessaires pour la transition (de l’ordre de 2 à 3 points de PIB par an), s’alourdit chaque année où l’on tarde à agir.  

Mais l’inaction ne résulte pas uniquement d’un manque de moyens ou de volonté politique. Comme le souligne Pierre Peyretou, professeur permanent affilié à l’ESCP, elle s’enracine dans un mécanisme collectif de déresponsabilisation : le « triangle de l’inaction ». Chacun (citoyens, entreprises et élus) se renvoie la responsabilité, bloquant ainsi toute dynamique de changement. Or, ce triangle ne fait que renforcer les coûts futurs, en retardant les transformations indispensables. 

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Crédit: Le schéma du triangle de l’inaction, tel que dessiné par Pierre Peyretou. | PIERRE PEYRETOU 


Une dette environnementale, sociale et économique 

Le coût environnemental

L’inaction climatique accélère la dégradation des écosystèmes et la perte de biodiversité. Les rapports du GIEC et de l’IPBES convergent : chaque fraction de degré supplémentaire intensifie les phénomènes extrêmes (sécheresses, inondations, incendies) et menace les équilibres naturels. En France, la Cour des comptes rappelle que les puits de carbone, comme les forêts, sont eux-mêmes fragilisés par le réchauffement climatique, réduisant leur capacité à absorber les émissions. À l’échelle mondiale, les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) ont augmenté de 62 % depuis 1990. Et selon le dernier rapport du Laboratoire scientifique sur les limites planétaires à l’Institut pour la recherche sur le climat de  Potsdam (PIK)  sept des neuf limites planétaires sont maintenant franchies. 

 

Le coût humain

Derrière les chiffres, ce sont des vies concrètement affectées. Le réchauffement climatique affecte directement la santé, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau et les conditions de vie.  

En France, les vagues de chaleur se multiplient (elles ont été multipliées par 4 depuis 1976). En 2023, selon le HCSP (Haut Conseil à la Santé Publique) elles ont causé environ 5 000 décès supplémentaires en France, dont 1 500 pendant les épisodes de canicule.  

Concernant la sécurité alimentaire, le changement climatique affecte directement les rendements agricoles. Selon le 5ème rapport du GIEC, la production mondiale de cultures de base comme le blé, le riz et le maïs serait amené à diminuer de 2 % par décennie d’ici 2100, ce qui est conforté par le 6ème rapport du GIEC qui met en évidence la perte d’adaptabilité des terres cultivables et la hausse des risques d’insécurité alimentaire d’ici la fin du siècle. 

Pour l'accès à l’eau, la ressource en eau renouvelable a diminué de 14 % en France au cours des 15 dernières années, et cette tendance devrait s’aggraver, notamment en été. D’ici la fin du siècle, 30 % des cours d’eau pourraient voir leur débit estival baisser de 30 à 50 %, avec des pénuries plus fréquentes dans le sud du pays. 

Le coût humain, c’est aussi celui du deuil (disparitions de certaines îles du Pacifique, recul du trait littoral, avancée du Sahara), de l’anxiété climatique (éco-anxiété), et du paradoxe entre un passé disparu (solastalgie) et la perte de repères face à un avenir incertain. 

L’éco-anxiété devient un enjeu de santé publique. Une étude de l’ADEME publiée en mai montre que 4,2 millions de Français âgés de 15 à 64 ans sont fortement ou très fortement éco-anxieux, dont 420 000 à risque de développer une psychopathologie comme la dépression ou les troubles anxieux. Ce phénomène touche toutes les catégories sociales, avec une prévalence plus élevée chez les femmes, les diplômés du supérieur et les habitants des grandes agglomérations. 

 

Le coût économique 

L’inaction donc a un prix et il est colossal. Selon l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), les pertes globales pourraient s'élever à 10 à 12% du PIB mondial d'ici 2100, et selon le FMI (Fond Mondial International), atteindre jusqu'à 25% dans les scénarios les plus pessimistes. Enfin, selon le rapport d’information du Sénat "Entreprises et climat”, entre 1980 et 2022, les événements climatiques extrêmes auraient coûté environ 650 milliards d'euros à l'Union Européenne, dont 120 milliards à la France. 

À l’inverse, les investissements dans la transition écologique sont rentables : chaque euro investi peut générer jusqu’à 19 euros d’économies selon les estimations du Forum Economique Mondial.  

Les entreprises qui tardent à s’adapter s’exposent à des risques financiers, réglementaires et réputationnels croissants.  

Toujours selon le Forum économique Mondial, ces pertes s’élèvent jusqu’à 7 % des bénéfices des entreprises d’ici 2035 (soit près de la moitié de l’impact du COVID-19), et jusqu’à 25% en 2050.  

Le coût économique de l’inaction, c’est donc une dette considérable qui s’accumule, des opportunités manquées et une compétitivité affaiblie. 

 

Mieux se connaître pour mieux agir  

Si l’inaction climatique est souvent attribuée à des freins politiques ou économiques, elle trouve aussi ses racines dans notre propre psychologie. Comprendre ses propres mécanismes psychiques est essentiel pour dépasser l’inertie et enclencher une dynamique d’action, à la fois individuelle et collective. 

 

Les biais cognitifs : quand notre cerveau freine l’action 

Notre cerveau n’est pas naturellement équipé pour réagir à des menaces diffuses, complexes et lointaines comme le changement climatique (ndlr : je vous invite à lire “Neuromania” d’Albert Moukheimer ou “Le Bug Humain” de Sébastien Bohler si vous voulez en apprendre plus). Parmi les biais les plus fréquents, on retiendra : 

  • Le biais d’optimisme : Nous pensons que les risques sont moins graves pour nous que pour les autres. 
  • La dissonance cognitive : Nous ajustons nos croyances pour éviter l’inconfort de nos contradictions (par exemple, continuer à prendre l’avion tout en se disant engagé pour le climat). 
  • Le déni : Face à l’anxiété générée par les mauvaises nouvelles climatiques, certains préfèrent nier la réalité ou minimiser les enjeux. 

Ces mécanismes ne sont pas des fatalités. Les reconnaître permet de les déjouer. 

 

L’effet de norme sociale : le pouvoir des petits gestes

Nous avons tendance à calquer nos comportements sur ceux que nous percevons comme « normaux ». C’est ce l’on appelle “effet de norme sociale”. Si nous pensons que personne autour de nous agit pour le climat, nous sommes moins enclins à le faire. Pourtant, il suffit d’un petit pourcentage de personnes engagées pour déclencher une contagion sociale. C’est pourquoi les gestes individuels, même imparfaits, ont un impact bien plus grand qu’on ne l’imagine : ils influencent, inspirent et normalisent l’action. 

L’imperfection vaut mieux que l’inaction 

Dans un contexte aussi complexe que celui du changement climatique, attendre la solution parfaite revient souvent à ne rien faire. Or, cette quête de perfection est l’un des freins majeurs à l’action. Nous avons tendance à croire qu’il faut être irréprochable pour être légitime à agir, ce qui conduit à l’immobilisme

 

Le mythe du citoyen parfait 

Réduire ses émissions, changer ses habitudes, s’engager dans des démarches durables… tout cela semble parfois inaccessible, surtout si l’on pense devoir tout faire parfaitement. Pourtant, les petits gestes ont un pouvoir d’entraînement. Ils ne sont pas insignifiants : ils influencent les normes sociales, créent des dynamiques collectives et montrent qu’un autre modèle est possible. 

L’action imparfaite est contagieuse 

Des recherches montrent qu’une minorité engagée représentant un petit pourcentage (10 à 25%) peut suffire, et par effet d’entraînement, à déclencher une contagion sociale à grande échelle. En agissant, même modestement, on devient un modèle pour ses proches, ses collègues, sa communauté. On influence les comportements, on crée du mouvement. L’imperfection devient alors un levier d’impact. 

 

Chaque geste compte. Agir, même imparfaitement, c’est déjà faire la différence. C’est reconnaître ses limites tout en refusant de rester spectateur. C’est choisir le progrès plutôt que la paralysie. C’est, en somme faire le pari du réel plutôt que celui de l’idéal. 

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