Les risques psychosociaux (RPS) sont devenus une préoccupation majeure dans le monde du travail ces dernières décennies. Ils touchent de nombreux secteurs d’activité et affectent des millions de travailleurs chaque année, engendrant des conséquences dramatiques sur la santé des employés et la productivité des entreprises. Le rapport Gollac, publié en 2009 sous l’égide du Ministère du Travail, a été un élément déterminant pour comprendre la nature de ces risques et les mesures à prendre pour les prévenir. Ce document a permis de poser les bases d’une réflexion approfondie sur la gestion des risques psychosociaux en entreprise et d’offrir des outils pour leur prise en charge.
Qu’est-ce qu’un risque psychosocial ? Comment le prendre en compte dans son analyse des risques ? Que préconise le rapport Gollac ? On regarde de plus près.
1. Qu'est-ce que le risque psychosocial ?
Le risque psychosocial est défini dans le rapport comme un ensemble de facteurs liés aux conditions de travail susceptibles d'entraîner des répercussions sur la santé mentale, physique et sociale des travailleurs. Ces risques résultent de l'interaction entre les exigences professionnelles (intensité du travail, autonomie, qualité des relations de travail) et les ressources disponibles pour les gérer.
Les principaux facteurs de risque psychosocial sont :
- Les exigences de travail : Cela inclut la charge de travail, la pression temporelle, et la multiplicité des tâches demandées.
- Les exigences émotionnelles : Ce facteur concerne la nécessité de maîtriser ses émotions et celles des autres parfois.
- L’autonomie et les marges de manœuvre : L'incapacité à prendre des décisions et à contrôler son travail est un facteur important de stress.
- Les rapports sociaux et relations de travail : Le manque de soutien social, les conflits, le harcèlement moral et l'isolement peuvent entraîner des risques psychologiques importants.
- Les conflits de valeurs : Les employés peuvent éprouver une souffrance éthique lorsque leurs tâches professionnelles sont en contradiction avec leurs valeurs personnelles ou professionnelles.
- L'insécurité de la situation de travail et socio-économique : La peur de perdre son emploi, l'instabilité du marché du travail et les incertitudes sur l'avenir du poste peuvent générer un stress chronique.
Ces risques ont des conséquences graves pour la santé des employés, et peuvent mener à des pathologies telles que le burn-out ou épuisement professionnel dû à un stress chronique, souvent causé par une surcharge de travail et un manque de reconnaissance, le bore-out désignant un épuisement lié à l'ennui et à l'absence de stimulation professionnelle ou encore le brown-out désignant un état de démotivation profonde, souvent dû à la perte de sens au travail.
2. Comment prendre en compte le risque psychosocial dans le DUERP ?
Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) est un outil essentiel dans la gestion de la santé et de la sécurité au travail. Il permet d’identifier, d’évaluer et de prévenir les risques, y compris les risques psychosociaux dans l’entreprise. Selon la réglementation, chaque employeur doit réaliser une évaluation des risques professionnels et mettre en place des actions pour les prévenir.
Le rapport Gollac insiste sur l’importance de considérer les risques psychosociaux dans le cadre du DUERP. Cela passe par l’identification des facteurs de stress, d'isolement ou de conflits dans l'organisation du travail.
Voici comment l’intégrer de manière concrète :
Étape 1 : Identification des risques
Le DUERP doit inclure des éléments spécifiques concernant les risques psychosociaux. Cela passe par des enquêtes internes, des entretiens individuels ou des questionnaires anonymes pour récolter des données sur les conditions de travail et la satisfaction des salariés. Il est important d’identifier les sources de souffrance au travail : surcharge de travail, manque de reconnaissance, insécurité de l’emploi, conflits interpersonnels...
Étape 2 : Évaluation des risques
Une fois identifiés, ces risques doivent être évalués en termes de gravité et de probabilité. Par exemple, le rapport Gollac mentionne que le stress au travail peut entraîner des troubles physiques et mentaux majeurs, dont des pathologies cardiovasculaires, des troubles du sommeil, ou des troubles anxieux. Il est essentiel de quantifier ces risques et de réfléchir aux sources de risque présent dans l’entreprise (management, surcharge de travail, mésentente avec les collègues...) afin de mettre en place des actions de prévention adaptées.
Étape 3 : Mise en place de mesures préventives et correctives
Le DUERP doit également inclure des mesures concrètes pour limiter les risques psychosociaux. Ces mesures peuvent concerner l'organisation du travail, la révision des procédures de communication interne, la mise en place de formations en gestion du stress, ou encore l'amélioration de la qualité des relations humaines au sein de l’équipe.
Étape 4 : Suivi et réévaluation
Le DUERP est un document vivant et évolutif, réévalué régulièrement afin de prendre en compte l’évolution des risques et des conditions de travail. L’intégration des risques psychosociaux nécessite une révision continue en fonction des retours des salariés et de l’analyse des indicateurs de santé au travail.
3. Quelles actions mener en entreprise ?
Le rapport propose une approche en trois niveaux pour la gestion des risques psychosociaux : la prévention primaire, secondaire et tertiaire.
3.1 - La prévention primaire
La prévention primaire inclut les actions visant à supprimer ou à réduire les facteurs de risque à la source.
On peut par exemple travailler sur la gestion du temps de travail : la réorganisation du temps de travail, la réduction des heures supplémentaires, et la mise en place de plages de récupération peuvent aider à limiter le stress lié à une charge de travail excessive.
Un deuxième levier intéressant concerne l'amélioration des conditions de travail : L'autonomie des salariés peut être renforcée en leur offrant plus de pouvoir décisionnel et en améliorant leur latitude dans l'exécution des tâches. Les relations interpersonnelles doivent aussi être améliorées par des actions de soutien social et des formations à la gestion des conflits.
3.2 - La prévention secondaire
La prévention secondaire concerne la prévention des premiers signes de souffrance psychologique. On peut cibler notamment la formation des managers à la reconnaissance des signes de stress et à la gestion des conflits pour pouvoir détecter et traiter les risques psychosociaux à un stade précoce. Également la mise en place de dispositifs d'accompagnement comme des services d’écoute ou des consultations auprès de la médecine du travail permettent aux employés de demander de l'aide en toute confidentialité.
3.3 - La prévention tertiaire
Cette phase concerne la prise en charge des salariés ayant déjà été affectés par des risques psychosociaux, notamment le suivi des salariés malades en mettant en place des actions pour accompagner le retour au travail après un burn-out ou un autre trouble lié au travail. Également on peut assurer un suivi psychologique pour les employés ayant traversé une période difficile ou souffrant de stress chronique.
4. Quels critères prendre en considération pour évaluer les risques psychosociaux ?
Pour évaluer les risques psychosociaux de manière efficace, il est essentiel de prendre en compte plusieurs critères. Le rapport Gollac propose une grille de critères à analyser pour une évaluation complète :
- La charge de travail : Il est important d'évaluer la surcharge de travail, le manque de ressources, ainsi que la pression exercée sur les salariés pour atteindre des objectifs souvent irréalistes.
- Les conditions de travail : L'environnement physique de travail, les horaires, l'aménagement des postes de travail, et l'ergonomie doivent être étudiés pour éviter toute source de stress liée à des conditions matérielles ou organisationnelles inadaptées.
- Le soutien social et managérial : Les salariés doivent bénéficier d'un soutien suffisant de la part de leurs collègues et de leurs supérieurs hiérarchiques. Un faible soutien social est un facteur de risque psychosocial majeur.
- Le sens du travail : Le rapport Gollac met en avant l’importance de la reconnaissance du travail effectué et du sens que les employés attribuent à leurs missions. L’absence de sens peut entraîner un brown-out, avec une démotivation et un désengagement profond.
5. Comment sensibiliser la direction à la gestion des risques psychosociaux ?
Sensibiliser la direction aux risques psychosociaux est une étape indispensable pour mettre en place une politique de prévention efficace. Voici quelques stratégies pour y parvenir :
5.1. Présenter les données et les enjeux
Il est essentiel de fournir à la direction des données concrètes sur l’impact des risques psychosociaux. Le rapport Gollac fournit des statistiques alarmantes, comme le fait que 20% des travailleurs français seraient exposés à un stress élevé. De plus, les coûts liés au burn-out, aux absences prolongées et à la baisse de productivité peuvent être considérables. Ces chiffres peuvent servir à convaincre la direction de l’importance d’investir dans des actions de prévention.
5.2. Montrer l'impact sur la performance de l'entreprise
Les risques psychosociaux ne sont pas seulement une question de santé des salariés, mais aussi une question de performance pour l’entreprise. Les études montrent que la souffrance au travail conduit à une baisse de la productivité, à un taux de rotation élevé des salariés et à une mauvaise ambiance de travail. Sensibiliser la direction à cet aspect peut inciter à prendre des mesures pour améliorer le bien-être des salariés.
5.3. Impliquer la direction dans le processus de prévention
Enfin, la direction doit être impliquée activement dans la mise en place des actions de prévention des risques psychosociaux. Cela inclut la mise en place de politiques claires, la participation à des comités de prévention et l’allocation des ressources nécessaires pour former les managers et les équipes RH.
Le rapport Gollac met en évidence l'importance de prendre en compte les risques psychosociaux dans le milieu professionnel pour préserver la santé mentale des salariés et garantir un environnement de travail sain et productif. Il propose une démarche structurée pour l’évaluation et la gestion de ces risques, en mettant l'accent sur la collecte de données fiables, la mise en œuvre de mesures de prévention adaptées, et la sensibilisation de tous les acteurs de l'entreprise, à commencer par la direction. La prévention des risques psychosociaux nécessite un engagement fort et une approche systémique pour réduire les souffrances au travail et améliorer le bien-être des salariés.
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