Analyse des accidents/incidents : comment construire un arbre des causes ?

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La prévention des risques en entreprise repose sur la notion de sensibilisation, d’anticipation des risques et la suppression des dangers à la source. Malheureusement, il n’est pas toujours possible d’éviter la survenue d’un incident, voire d’un accident pendant le service ! Rechercher l’origine des causes possibles s’avère alors nécessaire : “l’arbre des causes” constitue un exercice intéressant pour développer une analyse approfondie des causes et de l'enchaînement des actions ayant pu y contribuer.

L’arbre des causes est un outil souvent utilisé, généralement sans même que l’on s’en aperçoive. Lorsque je travaillais dans l’industrie, dans un grand complexe multi-site, nous avions un système d’astreinte accident en interne au service HSE. Chacun notre tour, nous tenions une permanence pour nous rendre sur le terrain dès qu’un incident ou un accident de travail se produisait. L’objectif : recueillir à chaud le plus d'éléments possible afin d’alimenter l’analyse qui allait suivre. C’est exactement le principe d’analyse par arbre des causes.

Quel est l’objectif de la démarche de l’arbre des causes ?

L’objectif d’un arbre des causes est simple : il s’agit de comprendre précisément les causes et les enchaînements d’actions qui ont conduit à une situation donnée. On parle généralement d’arbre des causes lors de l’analyse d’un incident/accident.

Non, la survenue d’un incident/accident n’est pas “la faute à pas de chance” ou “un cas isolé”. Il s’agit d’une situation dégradée d’un processus en place qui est censé fonctionner correctement du premier coup. Un incident, aussi minime soit-il, peut conduire à des catastrophes si les conditions sont modifiées.

Ayant travaillé il y a quelques années dans l’industrie aéronautique dans le sud de la France, je vais prendre l’exemple du ravitaillement des avions en kérosène. L'hiver, une légère fuite du raccord entre la citerne et l’avion peut potentiellement créer une petite flaque glissante sur le sol : un incident relativement faible en conséquence. Analysons à présent le même incident en période d’été lorsque les températures relevées sur le tarmac avoisinent les 55°C. Le kérosène possède un point éclair compris entre 38 et 52°C, c'est-à-dire que la moindre étincelle (exemple : électricité statique) peut s’enflammer voir faire exploser les vapeurs en suspension dans l’air. Comprenons donc que le moindre incident doit faire l’objet d’une analyse précise pour supprimer le risque à la source durablement. Dans certains cas, l’origine du problème est simple à détecter, dans d’autres situations, il peut s’agir une cause multiple ayant entraîné une réaction en chaîne.

Principes et méthodologie de la démarche

Une analyse d’incident/accident s’appuyant sur la démarche de l’arbre des causes se déroule généralement de la manière suivante. On commence par une première étape, celle du recueil des faits. On cherche à comprendre la survenue de l’incident/accident. Il s’agit de mettre en évidence plusieurs faits, ainsi que la chronologie associée. Dans une seconde étape, on va commencer à construire notre arbre des causes, et voir comment identifier les causes possibles, étape par étape, en prenant en compte à la fois l’individu, l’activité, le matériel et l’environnement de travail. Vient ensuite la dernière étape, celle de mise en place des actions correctives et des mesures de prévention associées, afin d’éviter que différents types d’incidents/accidents ne se reproduisent. Chaque organisation va ensuite capitaliser sur ses retours d’expérience, tout en veillant à communiquer et sensibiliser les équipes en interne. Voyons tout cela plus en détail.

Etape 1 : Recueil des faits 

Il s’agit dans un premier lieu, de constituer un groupe de travail pluridisciplinaire, qui sera chargé de l’analyse de l’incident/accident, aussi bien d’un point de vue technique, réglementaire, HSE et personnel. Le recueil des faits est la partie la plus importante de la démarche. Elle doit être la plus précise et la plus complète possible. On favorisera dans un premier temps, un entretien avec la victime si celle-ci est toujours présente sur site. Puis on procédera directement sur le terrain avec des observations directes et des entretiens avec d’éventuels témoins et le superviseur des activités, afin de recouper toutes les informations les unes avec les autres.

L’idéal pour cela est de s'appuyer sur des checklists préconçus pour passer en revue la majorité des points généraux à recueillir : 

  • Nom, prénom, et entreprise pour laquelle la victime travaille ;
  • Nom du superviseur et moyens de communiquer avec la victime en cas d’arrêt de travail ;
  • Nature et localisation des lésions
  • Lieu de l’incident/accident, activité réalisée, description de l’incident/accident et des causes potentielles
  • La description de l'environnement de travail (espaces disponibles, stockage, coactivité, conditions de travail comme les horaires de travail, la température…)
  • Nom d’éventuels témoins
  • Éléments bloquants ou difficultés particulières rencontrées, contraintes…

 

L’idée est de rester le plus factuel possible et de rassurer la victime et ses collègues pour que l’analyse soit la plus juste et la plus objective possible.

 

Etape 2 : Construction de l’arbre des causes 

Deuxième phase : commencer à construire l’arbre des causes. Celui qui établit l’arbre de causes peut dérouler schématiquement étape par étape les actions et identifier les causes ayant conduit à l’incident/accident au travail. Dans l’enchaînement des faits on fera apparaître clairement les activités à réaliser, les anomalies constatées et la finalité de l’arbre qui est l’incident/accident. Ainsi, il sera possible de voir clairement les étapes où des actions de prévention devront être mises en place.



Etape 3 : Mise en place des actions correctives et des mesures de prévention

L’intérêt d’aller rapidement sur le terrain pour recueillir les faits est de pouvoir, avec un œil extérieur et l’expérience de la prévention des risques, mettre en place des actions correctives immédiates (actions curatives) : arrêt d’une activité, condamnation d’une zone de travail, balisage… Tout le nécessaire pour éviter un sur-incident/accident ! Le groupe de travail va ensuite travailler sur la mise en place de mesures préventives à long terme (actions préventives). Ces mesures s’articulent autour de questions centrales telles que : 

 

  • La conformité réglementaire de la mesure, et sa stabilité dans le temps,
  • La simplicité d’intégration au quotidien pour les équipes,
  • La portée de la mesure : peut-on l’adapter à d'autres postes de travail ?
  • Les délais de mise en application,
  • Les coûts engagés par la mesure.

 

Cas pratique d’analyse d’accident par arbre des causes

Recueil des faits : La victime est à l’infirmerie de l’entreprise. Cette dernière va être redirigée vers l’hôpital le plus proche pour des soins à sa main suite à une électrisation. La victime, choquée, n’a pas pu fournir beaucoup d’informations sur les circonstances de l’accident mais a communiqué le nom de son collègue toujours sur place. Ce dernier, gants d’électricien à la main, explique que des travaux de maintenance sont en cours sur des installations. Ce jour-là une société extérieure venait également faire des contrôles périodiques sur les équipements, mais ni lui ni son collègue n'ont été informés. La société de maintenance explique qu'ils n’ont vu personne après la pause déjeuner et qu’aucun cadenas de consignation n’était présent sur le tableau électrique :  ils ont donc remis le courant pour procéder aux tests.

 

  • Une absence de transmission du plan de prévention aux opérateurs et donc une méconnaissance des risques liés à la coactivité ; 
  • Une consignation électrique incomplète avec une absence de cadenassage ; 
  • Le port d’EPI dégradés : les gants de protection trop vieux étaient secs et craquelés, empêchant la protection contre les contacts directs.

 

Voici les mesures de prévention qui ont été mises en place : 

  • Un recyclage préventif des habilitations électriques et des formations aux procédures de consignation ; 
  • Un renouvellement des équipements de protection individuelle avec un enregistrement numérique de chacun d’entre eux et des dates de validité afin d’être alerté automatiquement et mieux anticiper leur renouvellement ; 
  • La mise en place d’un outil digital accessible depuis le smartphone afin de communiquer l’ensemble de la documentation en temps réel, les consignes de sécurité et toutes les informations complémentaires pouvant impacter les activités.

La démarche de l’arbre des causes est utilisée instinctivement par la plupart des services HSE. Mais elle peut être optimisée en étant soigneusement préparée à l’avance grâce à des checklists et en ayant mis en place une procédure dédiée pour prendre rapidement les bonnes décisions. La prévention des risques est indispensable au quotidien mais il est également important de se préparer aux situations de crise pour apprendre à agir efficacement.

 

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