Les établissements de santé sont des lieux où se concentrent de nombreux agents pathogènes, en raison de la présence de patients atteints de maladies infectieuses, des actes médicaux invasifs et de l’usage fréquent de matériels biologiques. Le risque biologique y représente une menace majeure, tant pour les professionnels de santé que pour les patients. En effet, les agents biologiques – virus, bactéries, champignons ou parasites – peuvent entraîner des infections graves, voire mortelles, s'ils ne sont pas correctement maîtrisés. Dans ce contexte, comprendre et gérer ce risque est un enjeu essentiel pour garantir la sécurité sanitaire.
Comment les établissements de santé peuvent-ils prévenir et maîtriser efficacement le risque biologique, tout en garantissant la sécurité des professionnels et des patients, et en assurant la continuité des soins ?
Le risque biologique en milieu hospitalier constitue ainsi un enjeu majeur de santé publique, tant du point de vue de la protection du personnel que de la qualité et sécurité des soins. Dans un contexte marqué par l’émergence de nouvelles maladies infectieuses (ex. : COVID-19, SRAS, infections nosocomiales résistantes…), les établissements de santé doivent non seulement reconnaître ce risque, mais aussi y répondre de manière rigoureuse, structurée et conforme aux exigences réglementaires.
1. Définition et sources du risque biologique en milieu hospitalier
Le risque biologique correspond à l'exposition potentielle à des agents biologiques susceptibles de provoquer des infections ou des maladies. En milieu hospitalier, ces agents peuvent provenir de différentes sources : fluides corporels, aérosols, matériel médical contaminé, surfaces souillées, déchets hospitaliers ou encore transmission interhumaine.
Il peut s’agir :
- De micro-organismes (bactéries, virus, champignons, levures),
- De parasites humains,
- D’agents transmissibles non conventionnels (ex. : prions).
Ces agents peuvent se transmettre par diverses voies : aérienne, cutanée, muqueuse, sanguine ou digestive. Les soins invasifs, les manipulations de fluides biologiques, les actes chirurgicaux ou encore le contact prolongé avec des patients infectés constituent les principales situations à risque.
Les professionnels de santé sont particulièrement exposés, notamment lors des soins invasifs, des prélèvements sanguins, des actes chirurgicaux ou en laboratoire d’analyses. De plus, certaines spécialités comme les urgences, la réanimation ou les services infectieux présentent un niveau de risque plus élevé.
2. Classification réglementaire
Selon l’article R.4421-3 du Code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction de leur niveau de dangerosité.
Groupe | Risque infectieux | Gravité | Transmission collective | Traitement / Prophylaxie |
---|---|---|---|---|
Groupe 1 | Nul ou très faible | Aucune maladie humaine | Non | N/A |
Groupe 2 | Modéré | Maladie possible, peu grave | Peu probable | Oui |
Groupe 3 | Élevé | Maladie grave, sérieuse | Possible | Oui |
Groupe 4 | Très élevé | Maladie grave, souvent mortelle | Très probable | Non |
L’arrêté du 16 novembre 2021 précise la liste des agents classés dans les groupes 2, 3 et 4.
3. Conséquences sanitaires et organisationnelles
Les conséquences d’une exposition à un agent biologique peuvent aller de l’infection bénigne à des pathologies graves telles que le VIH, l’hépatite B ou C, la tuberculose ou plus récemment la COVID-19. Outre les enjeux sanitaires, le risque biologique a des répercussions importantes sur l'organisation hospitalière : absentéisme, désorganisation des services, coûts accrus, anxiété des personnels et perte de confiance des patients.
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4. Mesures de prévention et de maîtrise du risque
Pour maîtriser le risque biologique, les établissements de santé doivent mettre en œuvre une stratégie globale de prévention, structurée autour de plusieurs axes :
4.1 Prévention organisationnelle
Le premier axe de prévention cible l’organisation de la structure. On va alors s’appuyer sur :
- L’évaluation régulière des risques professionnels et mise à jour du DUERP.
L’évaluation du risque biologique repose sur une démarche systématique :
- Identification des postes exposés : médecins, infirmiers, aides-soignants, techniciens de laboratoire, personnel de nettoyage… (obligatoire pour les groupes 3 et 4)
- Analyse des gestes à risque : soins invasifs, prélèvements, nettoyage de dispositifs médicaux, traitement du linge ou des déchets.
- Analyse de la typologie de l’exposition : par voie respiratoire, contact cutané/muqueux, projection, blessure, ingestion
L'évaluation doit également tenir compte de la durée et fréquence d'exposition, de l’état immunitaire du personnel exposé, de la nature de l'agent pathogène (taux de transmission, virulence, traitement disponible…) et des catégories sensibles, comme les femmes enceintes ou les personnes immunodéprimées.
- La mise en place de protocoles d’hygiène
- Le respect strict des protocoles d’hygiène (lavage des mains, port de gants, masques, surblouses, désinfection des surfaces) est fondamental. L’hygiène des mains est souvent considérée comme la mesure la plus simple mais aussi la plus efficace.
- On peut également parler de procédures adaptées aux situations d’urgence biologique (AES, épidémie…).
4.2 Prévention technique
Le second axe de prévention va traiter du suivi et de la maintenance des moyens techniques et matériels disponibles tels que :
- La ventilation et renouvellement d’air des locaux.
- Le confinement des zones à risque (laboratoires, isolements…).
- La signalétique claire des zones à contamination potentielle.
- L'utilisation de matériel sécurisé : seringues à aiguilles rétractables, contenants DASRI, etc.
- La mise à disposition d’équipements de Protection Individuelle (EPI) adaptés et en nombre suffisant.
4.3 Hygiène et bonnes pratiques
Le troisième axe de prévention rejoint la mise en place de protocoles et de procédures, en généralisant les bonnes pratiques. On parle notamment de :
- Le lavage rigoureux des mains au savon ou lotion hydro-alcoolique (selon les normes de l’AFNOR).
- L'utilisation systématique d’EPI : gants, masques, blouses, lunettes selon le type d’exposition.
- La désinfection des surfaces, gestion stricte du linge et des déchets contaminés.
- La gestion des déchets et du linge contaminé via des protocoles stricts encadrant la collecte, le tri, le transport et le traitement des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI).
4.4 Information et formation du personnel
Le quatrième axe de prévention vise la formation qui est essentielle pour maintenir une vigilance constante. On cible ici le suivi des connaissances et des compétences au regard de :
- La connaissance des agents infectieux,
- Des protocoles d’isolement (contact, gouttelettes, air),
- Des précautions standards,
- De la conduite à tenir en cas d’accident ou d’exposition,
- De l'utilisation et entretien des EPI.
5. Suivi médical et traçabilité
En cas d’exposition (Accident d’Exposition au Sang - AES), une procédure rapide de signalement et de prise en charge doit être activée, avec suivi médical adapté. Elle se déroule en 5 étapes :
- Stopper l'exposition et nettoyer la zone touchée.
- Évaluer le risque de contamination.
- Déclarer l'accident immédiatement.
- Consulter un médecin sans tarder.
- Éliminer les déchets contaminés en toute sécurité.
6. Le rôle clé de la coordination interne
La maîtrise du risque biologique repose aussi sur une gouvernance efficace. Les Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT), les Équipes Opérationnelles d’Hygiène Hospitalière (EOHH), les Responsables Qualité ou encore les référents COVID par exemple jouent un rôle central dans la mise en œuvre des actions et dans l’accompagnement des professionnels.
Le risque biologique constitue un enjeu majeur en établissement de santé, du fait de son impact potentiellement grave sur la santé humaine et sur le fonctionnement des structures hospitalières. Sa maîtrise passe par une approche pluridisciplinaire, impliquant tous les acteurs de l’hôpital : direction, personnels soignants, services techniques, biologistes, etc. Grâce à une politique de prévention cohérente, basée sur l’évaluation, la formation, les bonnes pratiques d’hygiène et la vigilance collective, il est possible de réduire significativement ce risque, assurant ainsi la sécurité des soignants comme des patients.
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