Dans un environnement professionnel où les risques sont multiples et parfois invisibles, la gestion de la santé et de la sécurité ne peut plus reposer uniquement sur l’intuition ou l’expérience terrain. Elle exige désormais une approche rigoureuse, structurée et conforme aux exigences du Code canadien du travail. L'alinéa 125.(1)z.03) de la Partie II du Code canadien du travail impose aux employeurs relevant de la compétence fédérale de mettre en place un programme de prévention des risques professionnels, soulignant ainsi la nécessité de maîtriser ces risques aux conséquences souvent onéreuses, tant sur le plan humain que financier.

 

Comment mettre en œuvre une évaluation des risques professionnels efficace et conforme aux exigences réglementaires?

 

Dans un contexte professionnel en constante évolution, la complexité des environnements de travail exige des approches de prévention sur mesure. Plutôt que d’imposer un modèle unique, le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST), notamment sa Partie XIX, propose un cadre méthodologique flexible. Le paragraphe 19.1(1), sert de guide pour aider les entreprises à concevoir un programme de prévention adapté à leur réalité, pratique et efficace. L'objectif? Réduire les accidents, prévenir les maladies professionnelles et limiter les pertes.

 

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Ce qui dit la loi au Québec en 2025

Au Québec, la gestion des risques professionnels est encadrée par la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), renforcée par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST). Ces lois imposent aux employeurs l’obligation de protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleuses et travailleurs, notamment par l’identification, l’évaluation et la réduction des risques.

 

Une obligation qui dépend de la taille de l’établissement

Suite à la sanction de la LMRSST et à la mise en place du  régime intérimaire le 6 avril 2022, tous les établissements sont divisés en deux catégories d'entreprises, tous secteurs d'activités confondus :

 

  • 19 travailleuses et travailleurs ou moins : l’employeur doit mettre en place un plan d’action en santé et sécurité, accompagné d’un agent de liaison.
  • 20 travailleuses et travailleurs ou plus : l’employeur doit mettre en place un programme de prévention, former un comité de santé et sécurité (CSS), et désigner un représentant en SST.

Le calcul du nombre de travailleurs inclut les employés réguliers, temporaires, d’agence, en déplacement, ainsi que les stagiaires. Les gestionnaires et représentants de l’employeur ne sont pas comptabilisés.

En plus de ces mécanismes, les employeurs doivent :

 

  • Informer et consulter les travailleurs, qui ont le droit de participer activement à la démarche SST.
  • Documenter les actions en santé et sécurité, incluant les évaluations des risques, les mesures prises et les formations offertes.
  • Respecter les règlements spécifiques applicables à leur secteur d’activité, comme le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST), qui précise les normes selon les risques et les milieux.

Le régime intérimaire exclut les chantiers de construction, qui doivent se conformer, depuis le 1er janvier 2023, au Règlement sur les mécanismes de prévention propres à un chantier de construction.

 

 

Bonnes pratiques pour une évaluation efficace des risques professionnels

La gestion des risques en milieu de travail ne s’improvise pas. Pour être efficace et conforme au Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, elle doit suivre une démarche rigoureuse.

 

Voici les sept étapes clés pour bâtir un programme de prévention solide et adapté à votre réalité :

 

Étape 1 : Plan de mise en oeuvre (article 19.2)

Avant de passer à l’action, il est crucial de poser les bases avec un plan de mise en œuvre bien structuré. Ce plan doit indiquer clairement les étapes à suivre, les échéanciers associés, et les responsabilités de chacun. Il ne s’agit pas seulement de planifier, mais aussi de suivre l’évolution du programme et d’ajuster le tir en cours de route.

L’employeur doit donc :

 

  • Établir un échéancier précis pour chaque phase du programme, de sa conception à sa mise en œuvre.
  • Contrôler le déroulement des mesures de prévention, pour s’assurer qu’elles sont bien appliquées.
  • Réviser régulièrement le plan, et le modifier si nécessaire pour tenir compte des imprévus ou des nouvelles réalités du terrain.
Un volet essentiel de cette planification concerne les risques liés à l’ergonomie. Ceux-ci doivent être recensés et évalués dès le départ, et des mesures concrètes doivent être mises en place pour les éliminer ou les réduire. Il est aussi impératif que les personnes chargées de cette tâche soient formées et bien informées, afin d’agir efficacement.

 

Étape 2 : Méthode de recensement et d'évaluation des risques (article 19.3)

Pour bâtir un programme de prévention solide, il est essentiel de commencer par une méthode rigoureuse pour identifier et évaluer les risques, y compris ceux liés à l’ergonomie. Cette méthode ne doit pas être improvisée : elle repose sur une analyse approfondie de plusieurs sources d’information, comme les rapports d’enquête, les registres de premiers soins, le registre des substances dangereuses, les inspections, les signalements des employés, et même les études internes ou gouvernementales sur la santé et sécurité.

L’objectif est de croiser ces données pour dresser un portrait fidèle des dangers présents dans le milieu de travail. Une fois cette base établie, l’employeur doit définir :

 

  • Une marche à suivre claire, avec un échéancier pour chaque étape du recensement et de l’évaluation.
  • Un registre des risques, mis à jour régulièrement.
  • Un calendrier de révision de la méthode, pour s’assurer qu’elle reste pertinente et efficace dans le temps.
Cette approche permet non seulement de mieux cibler les interventions, mais aussi de démontrer une réelle proactivité en matière de santé et sécurité.

 

Étape 3 : Recensement  et évaluation des risques (article 19.4)

Une fois la méthode définie, il est temps de passer à l’action. L’employeur doit appliquer cette méthode pour identifier les risques présents dans le milieu de travail, en tenant compte de leur nature, de leur fréquence, et de leur impact potentiel sur la santé et la sécurité des employés.

 

Chaque risque doit être évalué selon :

  • le niveau d’exposition des employé(e)s,
  • la fréquence et la durée de cette exposition,
  • les effets potentiels sur la santé,
  • les mesures déjà en place pour le prévenir,
  • et tout signalement ou rapport d’employé pertinent.

Pour les risques liés à l’ergonomie, l’analyse doit être encore plus fine. Il faut considérer :

  • les exigences physiques des tâches,
  • le milieu et l’organisation du travail,
  • les caractéristiques des outils, équipements et espaces,
  • ainsi que les conditions dans lesquelles les tâches sont réalisées.
Cette étape permet de prioriser les interventions en fonction de la gravité et de la probabilité des risques, et de bâtir un programme de prévention réellement adapté aux réalités du terrain.

Étape 4 : Mesures de prévention (article 19.5)

Une fois les risques identifiés et évalués, il est temps de passer à l’action. L’employeur doit mettre en œuvre des mesures de prévention adaptées, en suivant une hiérarchie bien définie. Cette approche permet de cibler les interventions les plus efficaces, tout en minimisant les impacts sur le milieu de travail.

Voici l’ordre de priorité à respecter :

 

  • Éliminer le risque, par exemple en modifiant l’équipement ou les méthodes de travail pour les adapter aux capacités physiques des employé(e)s.
  • Réduire le risque, notamment par l’isolation ou la limitation de l’exposition.
  • Fournir des EPI adaptés aux tâches et aux risques.
  • Mettre en place des procédures administratives, comme la gestion des horaires, des pauses, ou des rotations de tâches.

Pour les risques liés à l’ergonomie, il est essentiel d’agir dès la planification de tout changement dans les tâches, les équipements ou l’organisation du travail. L’employeur doit aussi s’assurer que les personnes chargées de mettre en œuvre ces mesures ont reçu la formation et les consignes nécessaires.

 

Enfin, un programme d’entretien préventif doit être mis en place pour éviter toute défaillance technique pouvant générer de nouveaux risques. Et surtout, les mesures choisies ne doivent pas créer de nouveaux dangers : leur impact sur le milieu de travail doit être évalué avec soin.

 

Étape 5 : Formation des employé(e)s (article 19.6)

Un programme de prévention ne peut être efficace sans une formation claire et accessible pour les employés. L’objectif est de leur donner les outils nécessaires pour comprendre les risques, les prévenir, et agir en cas de problème. Cette formation doit couvrir plusieurs volets essentiels, dont l’ergonomie.

Tous le personnel doit recevoir une formation qui aborde :

 

  • Le programme de prévention mis en place, incluant la méthode d’évaluation des risques et les mesures adoptées.
  • Les risques spécifiques au lieu de travail, selon les tâches et l’environnement.
  • Les obligations de signalement, notamment les situations dangereuses ou les incidents, conformément à la Loi.
  • Les principales dispositions légales en matière de santé et sécurité.

Mais ce n’est pas une formation « une fois pour toutes ». L’employeur doit la mettre à jour régulièrement, notamment :

 

  • Lorsqu’un employé est affecté à une nouvelle tâche ou exposé à un nouveau risque.
  • Lorsqu’il y a de nouveaux renseignements sur les risques.
  • Au minimum tous les trois ans, ou dès qu’un changement survient dans les conditions de travail.
Chaque formation doit être documentée : l’employeur et l’employé(e) attestent par écrit que la formation a été offerte et reçue. Un registre de formation est conservé pendant deux ans après que l’employé cesse d’être exposé au risque.

Cette rigueur permet non seulement de respecter les obligations réglementaires, mais surtout de renforcer la culture de prévention au sein de l’entreprise.

 

Étape 6 : Évaluation du programme (article 19.7)

Un bon programme de prévention ne se limite pas à sa mise en œuvre : il doit être évalué régulièrement pour s’assurer qu’il reste pertinent, efficace et adapté aux réalités du terrain. Cette évaluation doit porter sur l’ensemble du programme, y compris les mesures liées à l’ergonomie.

L’employeur doit procéder à cette évaluation :

  • Au moins tous les trois ans,
  • Lorsqu’il y a des modifications dans les conditions de travail ou les risques,
  • Ou dès qu’il obtient de nouveaux renseignements sur les dangers présents dans le milieu de travail.

Pour que cette évaluation soit rigoureuse, elle doit s’appuyer sur des données concrètes :

 

  • Les conditions de travail et les tâches effectuées,
  • Les rapports d’inspection et d’enquête,
  • Les vérifications de sécurité,
  • Les registres de premiers soins et les statistiques sur les blessures, y compris celles liées à l’ergonomie,
  • Les observations des comités SST ou des représentants,
  • Et tout autre renseignement pertinent.
Cette démarche permet non seulement de corriger les failles du programme, mais aussi de renforcer la prévention en fonction de l’évolution des risques. C’est une étape clé pour maintenir un environnement de travail sain, sécuritaire et conforme aux exigences réglementaires.

 

Étape 7 : Rapports et documentation (article 19.8)

L’évaluation du programme de prévention ne s’arrête pas à l’analyse : elle doit être formalisée par écrit. Chaque fois qu’une évaluation est réalisée, que ce soit tous les trois ans, après un changement dans les conditions de travail ou à la suite de nouvelles informations sur les risques, l’employeur doit rédiger un rapport d’évaluation.

Ce rapport est bien plus qu’un simple document administratif, il constitue une trace officielle de la démarche de prévention, utile pour les audits, les consultations avec les comités SST, ou en cas d’incident.

Pour assurer la transparence et la conformité, l’employeur doit :

  • Conserver ces rapports pendant six ans suivant leur date de rédaction.
  • Les rendre facilement accessibles aux parties concernées, que ce soit en format papier ou électronique.

Une bonne gestion documentaire permet non seulement de répondre aux exigences réglementaires, mais aussi de valoriser les efforts de prévention déployés dans l’entreprise.

 

 

Outils d'évaluation des risques professionnels

Les outils d'analyse des risques et d'évaluation des risques professionnels regroupent diverses méthodes et techniques utilisées pour examiner, comprendre et gérer les risques dans les environnements professionnels. Parmi ces outils figurent :

 

  • Le diagramme de Pareto : Cet outil permet d'identifier les problématiques prioritaires au sein d'une organisation. Il repose sur la loi des 80/20; 20 % des causes génèrent 80 % des effets.

  • AMDEC (analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité) : Méthodologie systématique utilisée pour identifier, évaluer et prévenir le risque de défaillance d'un processus ou d'un système, ainsi que leurs conséquences.

  • SWOT (strengths/forces, weaknesses/faiblesses, opportunities/opportunités et threats/menaces) : Cette analyse permet d'évaluer la pertinence d'un projet ou d'une décision au regard de ses objectifs.

  • ISHIKAWA (ou diagramme des 5M) : Cet outil est utilisé pour identifier et analyser les causes possibles d'un problème spécifique en les regroupant en catégories.

  • 5 Pourquoi (ou 5 P) : Cette méthode consiste à poser plusieurs fois la question "pourquoi" afin d'identifier les causes fondamentales d'un problème ou d'un risque.

Ces outils peuvent être intégrés dans une approche structurée d'évaluation des risques professionnels pour examiner les divers aspects des risques, analyser les causes potentielles et identifier les mesures préventives appropriées. Chaque outil a ses propres avantages et peut être utilisé en fonction des besoins spécifiques de l'évaluation des risques.

Intégration d'outils numériques dans l'évaluation des risques professionnels

L'avènement des technologies numériques a révolutionné la manière dont les entreprises abordent la gestion des risques professionnels. L'utilisation d'outils numériques dédiés apporte une valeur ajoutée significative à chaque étape du processus, de la collecte des données à la mise en œuvre des mesures préventives. Explorez comment l'intégration de solutions numériques améliore l'efficacité et la pertinence de l'évaluation des risques.

Centraliser les données pour mieux prévenir

Les outils numériques facilitent la gestion des risques en regroupant toutes les données au même endroit. Plutôt que de naviguer entre des documents papier épars, on accède rapidement à une vue d’ensemble claire et structurée. Cette centralisation améliore la prise de décision et renforce l’efficacité du programme de prévention.

Automatiser pour gagner en efficacité

Grâce aux outils numériques, le recensement et l’évaluation des risques deviennent plus rapides et cohérents. Les formulaires interactifs et les flux de travail automatisés réduisent le temps consacré à la collecte manuelle, permettant aux équipes de se concentrer sur l’analyse. Cette automatisation assure aussi une méthodologie uniforme, essentielle pour une gestion rigoureuse des risques.

Adapter les outils aux besoins de l'entreprise

Les solutions numériques en gestion des risques offrent une grande flexibilité. Qu’il s’agisse d’une PME ou d’une grande organisation, elles peuvent être configurées selon les réalités du terrain. La personnalisation des questionnaires, des processus et des indicateurs permet une évaluation plus précise, alignée sur les enjeux spécifiques de chaque entreprise.

Suivre les risques en temps réel

Les outils numériques permettent de suivre l’évolution des risques en temps réel, offrant une réactivité immédiate face aux changements. Grâce à leurs capacités d’analyse, ils aident à repérer les tendances et à ajuster les stratégies de prévention de façon proactive.

 

L'intégration d'outils numériques dans la gestion des risques professionnels transforme profondément les pratiques en milieu de travail. En facilitant la centralisation des données, l’automatisation des processus, la personnalisation des approches et le suivi en temps réel, ces solutions permettent une prévention plus réactive, plus précise et mieux adaptée aux réalités de chaque entreprise. Dans un monde en constante évolution, la numérisation devient un allié incontournable pour anticiper les dangers et renforcer durablement la santé et la sécurité au travail.

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