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Simplification des ESRS : quels impacts sur le reporting extra-financier en 2026 ?

Rédigé par Anaïs BRIFFARD | 29/12/2026

La simplification des ESRS (European Sustainability Reporting Standards) ne bouleverse pas la philosophie du reporting extra-financier européen, mais elle ajuste de manière significative les modalités d’application, la granularité, les échéances et les options de présentation.

 

Mais comment préserver la qualité décisionnelle des reporting tout en diminuant la charge ? Les personnes en charge du reporting ESG vont-elles devoir revoir leur architecture de données, leur gouvernance et leurs outils de collecte, ou au contraire capitaliser sur les démarches existantes pour gagner en proportionnalité ?

 

Décryptons ensemble les principaux changements apportés par cette simplification et leurs implications concrètes pour les entreprises.

 

Modification des thématiques dans les ESRS

La simplification des ESRS s’accompagne d’une réorganisation des thématiques pour clarifier les périmètres et éviter les chevauchements. Ces ajustements structurants visent à rendre le reporting plus lisible et cohérent. L’AR 16 des ESRS Set 1 est donc modifiée et devient l’Annexe A (ESRS 1, Annexe A).

 

Des ressources marines désormais rattachées à l’économie circulaire

Les ressources marines quittent le périmètre d’ESRS E3 (Eau et Ressources Marines) pour être intégrées à ESRS E5 (Economie circulaire et Utilisation des ressources). Ce transfert aligne la gestion des flux marins avec celle des autres matières premières et déchets, dans une logique de circularité (ESRS E3, § Interaction ; ESRS E5, Annexe A).

 

Un recentrage du standard Biodiversité

L’ESRS E4 (Biodiversité) se concentre désormais sur les facteurs de changement (« driver ») spécifiques à la biodiversité (changement d’habitat terrestre et marin, espèces invasives), tandis que le climat et la pollution sont renvoyés vers leurs standards dédiés (E1 et E2). Cette clarification est explicitée dans la section d’interaction entre standards (ESRS E4, § Interaction).

Regroupement des thématiques sociales

Les sous-thèmes relatifs aux collaborateurs internes (S1) et aux travailleurs de la chaîne de valeur (S2) sont présentés ensemble dans la liste des sujets. Ce rapprochement reflète la continuité des enjeux sociaux tout en conservant des exigences distinctes selon la granularité des données (ESRS 1, Annexe A).

 

Libellés simplifiés pour Pollution et Ressources

L’ESRS E2 (Pollution) regroupe désormais les « Substances préoccupantes » et « Substances très préoccupantes » sous un intitulé unique de « substances préoccupantes », tout en maintenant la spécificité des microplastiques (ESRS E2, § 27-35).

L’ESRS E5 (Economie circulaire et Utilisation des ressources) inverse l’ordre de son titre (pour rappel, le titre de la thématique sous les ESRS Set 1 était Gestion des ressources et économie circulaire) et élargit son périmètre aux ressources marines (ESRS E5, Annexe A).

 

Suppression des sous-sous-thèmes

La simplification des ESRS s’étend à la structure interne des standards : la totalité des sous-sous-thèmes a été supprimée et intégrée dans les sous-thèmes correspondants. Cette fusion vise à réduire la complexité et à éviter les redondances, tout en conservant la logique des exigences. Les sous-thèmes deviennent ainsi le niveau unique de granularité sous les thématiques principales.

 

 

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Un socle conceptuel clarifié

La simplification réaffirme les piliers conceptuels fondateurs de la CSRD.

 

Analyse de la double matérialité : une approche clarifiée et opérationnelle

La double matérialité reste le point de départ du reporting : les entreprises doivent publier uniquement les informations matérielles, c’est-à-dire celles qui concernent les impacts sur l’environnement et les personnes, ainsi que les effets financiers sur l’entreprise. Toutes les données facultatives ont été supprimées, ce qui rend l’analyse plus opérationnelle et structurée.

Le référentiel révisé décrit une séquence en deux étapes (ESRS 1, § 25–31) :

  1. Identifier les thèmes et sous-thèmes liés à des impacts, risques ou opportunités matériels ;
  2. Déterminer les informations à publier, en combinant une approche top down (analyse du modèle d’affaires, des secteurs, des zones géographiques) et bottom up (analyse des impacts) (AR 8–9).

Cette analyse repose sur une preuve raisonnable et supportable, « sans coût ou effort excessif » et admet qu’une évaluation qualitative peut suffire pour conclure sur la matérialité (ESRS 1, § 32 ; AR 12–13). Les étapes sont désormais mieux décrites (ESRS 1, § 25–31 ; AR 18–23) :

  • Comprendre les activités, relations d’affaires et parties prenantes (y compris celles affectées) ;
  • Identifier les impacts actuels ou potentiels, négatifs ou positifs ;
  • Évaluer la sévérité (échelle, étendue, irréversibilité) et la probabilité (pour les impacts potentiels), puis documenter les thèmes à reporter.

Les dépendances doivent également être intégrées comme sources de risques ou d’opportunités (ESRS 1, § 49–51 ; AR 28–29) : eau, capital humain et social, relations fournisseurs/clients… susceptibles d’influencer coûts, accès ou qualité des ressources.

 

Le nouveau référentiel précise également la périodicité de l’analyse : une réflexion sur le renouvellement de l’analyse de double matérialité doit avoir lieu à chaque reporting et être réalisée en cas de changements significatifs (ESRS 1, § 35).

 

Enfin, cette révision insiste sur un point crucial : éviter que l’information matérielle ne se dilue dans des agrégats trop larges. Les entreprises doivent ajuster le niveau de détail en fonction de la pertinence, qu’il s’agisse d’un thème, d’une zone géographique, d’une filiale ou d’un actif spécifique, afin de garantir une représentation fidèle (fair representation) des impacts, risques et opportunités.

 

À l’inverse, une désagrégation excessive nuit à la lisibilité. Les nouvelles règles imposent donc un équilibre : regrouper ce qui partage des caractéristiques communes tout en isolant les données qui influencent réellement la compréhension des enjeux.

 

Fair representation

Par ailleurs, la notion de fair presentation (représentation fidèle) est explicitée : il s’agit d’une information complète, neutre, précise, conforme aux caractéristiques qualitatives (Appendice B). Cette nouvelle version est également plus prescriptive sur les explications attendues lorsqu’une entreprise utilise des allègements (reliefs) ou omet des informations pour des raisons légales (ESRS 1, § 19–21 et AR 6–7).

 

Rôle des informations communiquées

Enfin, les indicateurs et les narratifs doivent rester décisionnels pour les utilisateurs (investisseurs, prêteurs, partenaires, société civile). Le projet 2025 formalise mieux la neutralité (éviter le « netting » des impacts positifs/négatifs, c’est-à-dire de compenser les effets négatifs par des effets positifs, ESRS 1, § 45 et Appendice B QC7‑QC8) et lier les déclarations aux effets financiers lorsque pertinent (ESRS 2 SBM‑3).

 

Des allègements mieux définis et une mise en œuvre par étapes

L’un des bénéfices indéniables de la simplification est la prise en compte de la courbe d’apprentissage et au coût initial mise en œuvre, pointée par certaines entreprises de la première vague.

 

Comparatifs en première année de déclaration

Tout d’abord, parlons des comparatifs allégés en première année. La première vague de déclarants (premiers ayant reporté sur données FY2024) ne sont pas tenus de fournir de comparatifs au titre de 2024 (ESRS 1, § 124). De même, toute entreprise la première année de reporting bénéficie de cette non‑exigence de comparatifs (ESRS 1, § 124).

 

Phasage des déclarations

La simplification des ESRS s’accompagne d’un calendrier de mise en œuvre plus échelonné, pensé pour répondre à l’accusation « d’asphyxie réglementaire » dénoncée dans la version initiale. Concrètement, plusieurs obligations sont repoussées.

 

Les entreprises dites de « première vague », celles qui ont déjà déclarée sous la CSRD, pourront omettre les informations relatives à la biodiversité (ESRS E4) et aux standards sociaux S2 à S4 jusqu’à l’exercice 2027 (données 2026).

 

Les exigences liées aux effets financiers anticipés

Les exigences liées aux effets financiers anticipés, notamment celles prévues par ESRS E1‑11 et ESRS 2, sont également différées: le narratif est attendu à partir de 2027, tandis que les données quantitatives ne seront obligatoires qu’en 2030, à l’exception de quelques points précis.

 

Même logique pour les substances préoccupantes (E2‑5), dont la déclaration chiffrée est reportée à 2030.

 

Enfin, certains indicateurs sociaux du standard S1, tels que ceux relatifs à la santé et sécurité, à la formation ou à la protection sociale, bénéficient d’un échelonnement de divulgation jusqu’en 2027. L’EFRAG présente cette mesure comme : « une manière assumée de donner aux entreprises le temps d’adapter leurs systèmes de collecte et leurs processus internes, sans renoncer à l’ambition de transparence ».

 

Allègements opérationnels

La simplification introduit des assouplissements dans la préparation des données. Les entreprises peuvent désormais exclure de certains calculs les activités qui ne constituent pas des moteurs significatifs des impacts mesurés, à condition d’en expliquer clairement la portée (ESRS 1, § 91).

Autre mesure phare : la possibilité de publier des métriques sur un périmètre partiel lorsque seules des données fiables sont disponibles pour une partie des opérations ou de la chaîne de valeur. Cette option s’accompagne d’une exigence de transparence et d’un plan d’amélioration progressive (ESRS 1, § 92).

Enfin, les organisations engagées dans des opérations conjointes sur lesquelles elles n’exercent pas de contrôle opérationnel pourront écarter ces activités des calculs des indicateurs environnementaux (pollution, eau, biodiversité, ressources), en justifiant cette exclusion (ESRS 1, § 93).

 

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Chaîne de valeur : périmètre clarifié et cas particuliers encadrés

Le reporting durable ne s’arrête pas à votre périmètre direct. L’EFRAG reconnait cette complexité et propose dans cette nouvelle mouture des règles plus claires pour intégrer la chaîne de valeur sans alourdir la charge.

 

Inclure la chaîne de valeur, mais sans excès

Le reporting ESRS ne se limite pas aux opérations directes de l’entreprise. Pour refléter fidèlement les impacts, risques et opportunités matériels, il doit s’étendre à la chaîne de valeur, en amont et en aval (ESRS1, §6364). Cette extension répond à la logique de double matérialité et aux exigences de qualité de linformation.

 

Une inclusion guidée par la matérialité

L’entreprise n’a pas à couvrir « chaque acteur » de la chaîne de valeur. Seules les informations matérielles identifiées lors de l’évaluation de double matérialité doivent être incluses (ESRS 1, § 65–68). Concrètement, cela signifie cibler les segments pertinents, qu’ils soient upstream ou downstream.

 

Des données directes… ou des estimations autorisées

Pour identifier et reporter ces impacts, l’entreprise peut utiliser des données collectées auprès de ses partenaires ou recourir à des estimations, lorsque la collecte directe n’est pas praticable (ESRS 1, § 66).

Ces estimations peuvent s’appuyer sur (ESRS 1, § 66, § 94 et AR 42–43) :

  • Des données internes ou externes,
  • Des moyennes sectorielles,
  • Des analyses par échantillon,
  • Des données basées sur les dépenses,
  • Ou d’autres proxies.

Cette option n’est pas la règle, mais une voie autorisée et expliquée, pour éviter que l’absence de données bloque le reporting.

 

Des limites légales à respecter

L’ESRS précise que l’entreprise n’est pas tenue d’obtenir des informations qui dépassent les limites fixées par le droit applicable, que ce soit en UE ou hors UE (ESRS 1, § 67). Une garantie pour éviter des exigences disproportionnées.

 

Un périmètre variable selon les sujets

Les impacts, risques ou opportunités peuvent être matériels sur des parties différentes de la chaîne de valeur. Le périmètre doit donc être adapté à chaque thématique (ESRS 1, § 68).

De même, les informations sur politiques, actions et objectifs ne doivent inclure la chaîne de valeur que si celle-ci est couverte par ces dispositifs (ESRS 1, § 69).

 

Cas particuliers à anticiper

  • Leasing : Différencier les impacts liés à l’usage (chez le preneur) de ceux liés à l’actif (chez le bailleur), en privilégiant la substance économique (ESRS1,  72–74 et AR 37).
  • Associés / Joint ventures : Lorsque ces entités sont aussi fournisseurs ou clients, ne pas se limiter au pourcentage d’equity pour les métriques d’impact ; il faut considérer la relation commerciale (ESRS1,  71).

Gouvernance et stratégie : présentation simplifiée et liens renforcés avec la finance

La révision des ESRS marque une étape importante pour rendre les rapports de durabilité plus cohérents, compréhensibles et connectés à l’information financière. 

 

Une structure standardisée pour le rapport de durabilité (sustainability statement)

Le rapport de durabilité adopte désormais une architecture en quatre parties (ESRS 1, §104-112) :

  1. Général
  2. Environnemental
  3. Social
  4. Gouvernance

Cette structuration vise à faciliter la lecture et l’indexation, tant pour les lecteurs humains que pour les systèmes numériques (human and machine readable). Les entreprises peuvent également ajouter des appendices et un executive summary pour synthétiser les points clés (ESRS 1, §111-112 et AR 46).

 

Incorporation par référence : Moins de doublons, plus de clarté

Pour éviter les répétitions, l’EFRAG clarifie l’autorisent l’incorporation par référence (ESRS 1, §118-121). Concrètement, une entreprise peut renvoyer à des documents existants (états financiers, rapport de rémunération, URD, Pillar 3, EMAS) pour répondre à un DR, sous conditions strictes :

  • Même langue,
  • Publication simultanée,
  • Assurance équivalente,
  • Compatibilité digitale,
  • Repérage exact du datapoint.

Cette approche réduit la charge rédactionnelle tout en garantissant la cohérence et la traçabilité des informations.

 

Connectivité financière : des liens explicites avec les comptes

Les ESRS imposent une connectivité renforcée entre les informations de durabilité et les états financiers (ESRS 1, § 115-117).

 

Cette exigence se traduit par deux niveaux de lien : d’une part, la connectivité directe : lorsqu’un montant apparaît à la fois dans le rapport de durabilité et dans les comptes, une référence croisée explicite est obligatoire ; d’autre part, la connectivité indirecte : l’entreprise doit expliquer les agrégations, décompositions et hypothèses utilisées pour établir ses données, notamment lorsqu’elles reposent sur des scénarios ou des projections.

 

Cette articulation vise à répondre à une attente forte des investisseurs : comprendre comment les enjeux ESG influencent la performance financière et s’assurer de la cohérence entre les deux univers de reporting.

 

Réorganisation des exigences de publication

Le standard transversal ESRS 2 clarifie la présentation des informations clés :

  • Gouvernance (GOV 1 à GOV 4),
  • Stratégie,
  • Impacts, risques et opportunités (IRO 1/IRO 2),
  • Politiques, actions, métriques et cibles (GDR P/A/M/T).

Il précise également la base de préparation (BP 1, BP 2) et les Minimum Disclosure Requirements (MDR) pour chaque catégorie, garantissant une homogénéité entre entreprises.

 

La simplification via les GDR : un changement structurant

Avant la révision, chaque standard thématique (E1, S1, G1…) détaillait ses propres rubriques pour les politiques, actions, indicateurs et objectifs, ce qui causait des répétitions et une présentation hétérogène.

Avec les General Disclosure Requirements (GDR), cette logique est remplacée par un cadre unique :

  • GDR-P : politiques
  • GDR-A : actions et ressources
  • GDR-M : métriques
  • GDR-T : cibles

Ces GDR s’appliquent à tous les sujets matériels identifiés par l’entreprise. Concrètement, cela veut dire que si une entreprise a une politique climat, elle la décrit sous GDR-P, même si le sujet est traité dans ESRS E1. Idem pour les actions, métriques et cibles associées à cette politique.

 

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Alignement sur les pratiques financières

La simplification des ESRS s’accompagne d’un rapprochement marqué avec les pratiques comptables, afin de renforcer la cohérence entre reporting financier et extra-financier. Cette convergence vise à faciliter la lecture et à réduire les écarts méthodologiques qui pouvaient créer de la confusion.

 

Une période de reporting calée sur les comptes

Le rapport de durabilité adopte désormais la même période que les états financiers (ESRS 1, § 77). Cette harmonisation simplifie la consolidation des données et évite les décalages temporels qui compliquaient l’analyse.

 

Des horizons temporels clarifiés

Les ESRS définissent trois horizons : le court terme correspond à la période des comptes, le moyen terme s’étend jusqu’à cinq ans et le long terme au-delà de cinq ans. Ces bornes peuvent être adaptées si elles rendent l’information peu pertinente (ESRS 1, § 80-83). Cette flexibilité répond aux spécificités sectorielles et aux cycles d’investissement.

 

Comparatifs et cohérence des méthodes

Les comparatifs deviennent une exigence générale (ESRS 1, § 84-88), sauf en première année de reporting où une mesure transitoire supprime cette obligation (ESRS 1, § 124). Les entreprises doivent assurer la cohérence des définitions et des méthodes et retraiter les données en cas de changement de métriques ou de cibles (ESRS 1, § 85-86).

 

Incertitudes et hypothèses : plus de transparence

Les ESRS imposent désormais une explication claire des incertitudes de mesure. Les entreprises doivent décrire les sources, hypothèses et sensibilités, y compris les scénarios utilisés (ESRS 1, § 89-90 et AR 39-41). Une forte incertitude n’empêche pas la publication, à condition qu’elle soit explicitée. Cette exigence vise à éviter les incompréhensions et à renforcer la confiance dans les données.

 

Événements post-clôture et corrections d’erreurs

Les événements significatifs survenus après la clôture doivent être intégrés sous forme narrative (ESRS 1, § 97-98). En cas d’erreurs matérielles, un retraitement des données est requis (ESRS 1, § 99-100 et AR 44). Cette approche rapproche le reporting de durabilité des standards comptables en matière de fiabilité et de correction.

 

Cas d’omission : un encadrement plus explicite

La nouvelle version des ESRS précise les situations dans lesquelles une entreprise peut omettre certaines informations sans compromettre la cohérence du rapport.

Le premier cas d’usage concerne les informations classifiées ou sensibles, par exemple liée à un secret industriel ou à une innovation stratégique. L’omission est alors permise si les conditions de protection sont remplies (notoriété, valeur économique et mesures de sécurité) et à condition de publier le reste des éléments du DR concerné (ESRS 1, § 101-102 et ESRS 2023 § 105-108).

Le deuxième cas concerne l’option nationale. Les États membres peuvent autoriser la non-divulgation de développements imminents ou de négociations en cours, lorsque leur publication risquerait de nuire gravement à la position commerciale de l’entreprise. Cette exception doit être dûment justifiée, faire l’objet d’une mise en balance et être mentionnée dans le rapport (ESRS 1, AR 45).

 

Due diligence : pas d’obligation de conduite, mais une intégration plus nette à la matérialité

Cette simplification confirme que les ESRS n’imposent pas la mise en œuvre d’un processus complet de due diligence. En revanche, lorsque ce processus existe — par exemple selon les principes des Nations Unies (UNGP) ou les lignes directrices de l’OCDE — ses résultats doivent éclairer l’évaluation de la matérialité.

Les étapes classiques de la due diligence sont clairement cartographiées dans les standards :

  • Ancrage dans la gouvernance et la stratégie,
  • Engagement des parties prenantes affectées,
  • Identification et priorisation des impacts,
  • Mise en œuvre des actions
  • Suivi de leur efficacité.

Ces éléments sont intégrés dans l’ESRS 2 et les standards thématiques, notamment via les DR GOV, SBM, IRO et les MDR (ESRS 1, § 57-60 et AR 33).

Pour l’EFRAG, cette approche renforce la cohérence entre reporting et pratiques de gestion des impacts, sans créer d’obligation supplémentaire de conduite, mais en valorisant les démarches existantes comme levier d’information fiable.

 

Climat, biodiversité, social : une simplification qui séquence plutôt que d’alléger le fond

Là où la première architecture ressentie en 2023 pouvait paraître « tout, tout de suite » (ce qui a été la remontée des détracteurs de la CSRD), la simplification séquence les déclarations thématiques :

  • Climat (E1) : maintien d’exigences fortes (ex. Scope 3 pour les émissions de GES) mais options transitoires et report des effets financiers anticipés quantitatifs en cas d’impraticabilité (ESRS 1, § 125 b–c ; ESRS 2 § 28–31).
  • Biodiversité (E4) : omissions possibles pendant une période (pour certaines entreprises déclarantes), avec un appel à structurer la maturité (E4‑6 effets financiers anticipés narratifs acceptés les trois premières années) (ESRS 1, § 125 a).
  • Sociaux (S1–S4) : étalonnage (phasing-in) différencié ; l’entreprise doit indiquer si le thème est matériel, même en cas d’omission totale temporaire (ESRS 2 BP‑2, § 8–10).

A retenir

La révision des ESRS marque un véritable tournant. Elle introduit des allègements et un séquençage des obligations, répondant ainsi aux critiques d’« asphyxie réglementaire ». Mais cette simplification a un revers : la disparition de certaines données importantes, notamment sur la biodiversité, les communautés affectées ou les impacts financiers anticipés. Si ces ajustements facilitent la mise en œuvre pour les entreprises, ils soulèvent une question essentielle : comment préserver la lisibilité globale des informations ESG et garantir qu’elles restent réellement utiles pour la prise de décision des parties prenantes ? C’était pourtant l’un des objectifs initiaux des ESRS.

 

 

i A propos de Anaïs BRIFFARD
Anaïs Briffard est titulaire d’un MBA en RSE et management des organisations durables. Après 10ans d’expérience en RSE au sein de grands groupes internationaux, elle est aujourd’hui Content Manager RSE chez BlueKanGo