Blog QHSE - Qualité Hygiène Securité Environnement - by BlueKanGo

Le risque radiologique en établissement de santé : Comment le prévenir et le maîtriser ?

Rédigé par Thibaut GILLES | 25/08/2025

Dans le domaine de la santé, les rayonnements ionisants sont largement utilisés, que ce soit à des fins de diagnostiques (radiographie, scanner, médecine nucléaire) ou thérapeutiques (radiothérapie). Si ces technologies sont indispensables à la prise en charge des patients, elles ne sont pas dénuées de risques. Le risque radiologique constitue une problématique majeure tant pour les professionnels exposés que pour les patients, car une exposition excessive ou mal contrôlée peut entraîner des effets néfastes sur la santé. 

On peut alors se demander comment les établissements de santé peuvent-ils prévenir et gérer efficacement ce risque radiologique, tout en maintenant la qualité des soins et la sécurité des personnes ? 

 

Définition et origines du risque radiologique

Le risque radiologique en milieu hospitalier correspond à l’exposition aux rayonnements ionisants (rayons X, rayons gamma, particules alpha/bêta), pouvant provoquer des effets biologiques nocifs

 Ces rayonnements sont utilisés principalement dans : 

  • Les services d’imagerie médicale (radiologie conventionnelle, scanner et IRM, bien que non ionisant), 
  • La médecine nucléaire (scintigraphies, TEP-scan), 
  • La radiothérapie (traitement de cancers), 
  • Certains laboratoires ou blocs opératoires disposant d’équipements émettant des radiations. 

Les professionnels les plus exposés sont les radiologues, Manipulateurs en Électro-Radiologie Médicale (MERM), médecins nucléaires, oncologues, mais aussi les infirmiers, brancardiers ou techniciens de maintenance intervenant à proximité de sources radioactives. 

De manière très générale, la radioprotection doit respecter les trois principes fondamentaux suivant

  1. La justification afin d'utiliser les rayonnements uniquement si le bénéfice dépasse le risque, 
  2. L'optimisation, c'est à dire ajuster la dose à son strict minimum (principe ALARA – As Low As Reasonably Achievable), 
  3. La limitation, c’est à dire de ne jamais dépasser les doses limites réglementaires pour les travailleurs. 

Effets sanitaires potentiels

Les rayonnements ionisants peuvent avoir des effets aléatoires (cancers, mutations génétiques) ou directs (brûlures, cataractes, stérilité), selon la dose reçue, la durée d’exposition et la sensibilité individuelle. On peut citer quelques exemples : 

  • D’effets immédiats comme des érythèmes, troubles digestifs, baisse des globules blancs à forte dose.... 
  • D'effets à long terme tels que les leucémies, des cancers, des anomalies génétiques transmissibles. 

Pour les patients, l’enjeu réside dans l’optimisation de la dose, pour obtenir le diagnostic ou l’effet thérapeutique souhaité, tout en minimisant l'exposition inutile. Pour les soignants, il s’agit d’éviter toute exposition chronique ou accidentelle. 

La mesure de dosimétrie individuelle est obligatoire pour les professionnels exposés, permet de contrôler leur exposition. Les salariés exposés sont soumis à un contrôle médical renforcé, avec une périodicité annuelle. 

 

Encadrement du risque radiologique

La prévention du risque radiologique est encadrée ~par différents textes et organismes. On retrouve notamment :  

3.1 Des textes réglementaires 

  • Le Code du travail, pour la protection des travailleurs exposés, 
  • Le Code de la santé publique, pour la radioprotection des patients, 
  • Les directives européennes transposées en droit français comme la directive 2013/59/Euratom. 

3.2 Des organismes de référence  

  • L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) est l'organisme de référence pour la régulation de la radioprotection en France. Elle contrôle les installations utilisant des rayonnements ionisants (médecine nucléaire, radiologie, radiothérapie, etc.) et veille au respect des normes de sécurité. 
  • L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). C’est l’expert technique national en matière de radioprotection. Il réalise des études, donne des avis scientifiques et développe des outils de formation et de simulation. 
  • L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). Elle intervient dans l’évaluation et la surveillance des dispositifs médicaux, y compris les équipements de radiologie et radiothérapie. 
  • Les organismes agréés pour les contrôles techniques de radioprotection réalisent les contrôles réglementaires des installations (zones contrôlées, matériels, blindages…) 
  • Les Agences Régionale de Santé (ARS) peuvent être impliquées dans le suivi de certains aspects de sécurité en établissement de santé. 
  • L’Inspection du Travail et la Médecine du Travail peuvent intervenir pour des évaluations de risques professionnels liés aux rayonnements et assurer le suivi médical des personnels exposés. 
  • La Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) participent à l’évaluation du risque en interne. 

3.3 Des professionnels reconnus 

  • Les Conseillers en Radioprotection (CRP) ou Personnes Compétentes en Radioprotection (PCR) sont obligatoires dans chaque établissement utilisant des rayonnements ionisants. Ce sont les référents locaux de radioprotection. Elles peuvent être internes ou des prestataires externes. 
  • Les techniciens des services biomédicaux sont formés à la maintenance des appareils. 
Recommandé pour vous:

Découvrez le Top 3 des Meilleures Applications Santé


Organisation de la prévention dans les établissements

4.1. Évaluation du risque et zonage 

Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) doit intégrer une évaluation spécifique du risque radiologique. 

L'établissement doit procéder à un zonage radiologique des lieux de travail (zone surveillée, zone contrôlée), avec une signalétique adaptée. Des contrôles radiologiques réguliers (niveau de dose ambiante, étanchéité des sources) sont réalisés par le Personnel Compétent en Radioprotection (PCR) ou le Conseiller en Radioprotection (CRP)

Les différentes zones traduisant la gradation du risque radiologique. – Source : INRS 

 

4.2. Moyens techniques et équipements de protection 

Comme pour la plupart des métiers à risque, l’employeur à l’obligation de fournir personnellement et gratuitement des EPI approprié et de mettre en place des mesures de préventions et de contrôle collectives. On parle notamment : 

  • D’équipements de Protection Individuelle (EPI) : tabliers plombés, lunettes, gants, cache-thyroïdes… 
  • De barrières physiques : parois plombées, salles blindées. 
  • De systèmes de déclenchement à distance ou pilotage depuis une salle protégée. 
  • De dispositifs de contrôle de dose (dosimètres passifs ou opérationnels) attribués au personnel. Pour le personnel intérimaire, les dosimètres personnels sont fournis par l’employeur (l’agence d’intérim). 

L’entretien et la vérification des appareils doivent être réguliers, avec une traçabilité assurée. 

4.3. Formation et sensibilisation 

Chaque professionnel amené à intervenir en zone exposée doit suivre une formation à la radioprotection. L’IRSN précise que la formation initiale suivie par chaque catégorie de personnel (médecins nucléaires, radiologues, radiothérapeutes, dentistes, physiciens médicaux, manipulateurs) doit être renouvelée tous les 3 ans (art. R.4451-47 à R.4451-50 du Code du Travail), et une formation à la radioprotection des patients (arrêté du 18 mai 2004 modifié) à renouveler tous les 10 ans. 

  

Également, tous les travailleurs susceptibles d'intervenir en zone surveillée ou en zone contrôlée bénéficient d'une formation à la radioprotection organisée par leur chef d'établissement, renouvelable à minima tous les 3 ans. 

Ces formations abordent l’ensemble des sujets relatifs aux risques liés aux rayonnements, au fonctionnement des appareils, à l’utilisation des EPI et à la conduite à tenir en cas d’incident. 

 

Radioprotection des patients

Le protocole de justification des actes doit être systématique : pourquoi et comment le patient est exposé ? Existe-t-il une alternative non irradiante (ex. IRM, échographie) ? 

L’optimisation des doses repose sur : 

  • L’utilisation de protocoles adaptés à la morphologie du patient, 
  • Le recours à des équipements récents, calibrés et entretenus
  • Le suivi des indicateurs de dose  

On parle par exemple de : 

  • La DLP - Produit dose-longueur ou quantité totale de rayonnement émis par le scanner 
  • Le CTDI - Computed Tomography Dose Index ou l'indice de dose reçue par le patient pour une coupe 

Une traçabilité des doses reçues doit être assurée (ex : carnet de suivi dosimétrique). 

 

Accidents et gestion des incidents

En cas d’incident (exposition anormale, défaut de matériel, erreur de procédure), une analyse immédiate est indispensable. Le signalement doit être fait : 

  • En interne à la direction et au service de santé au travail, 
  • À l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) si les seuils réglementaires ont été dépassés. 

Le personnel exposé bénéficie d’une visite médicale dans le cadre du suivi renforcé et d’une traçabilité dans son dossier de radioprotection

 

Le risque radiologique en milieu hospitalier, bien qu’indispensable pour de nombreux actes médicaux, doit être strictement encadré et maîtrisé. Grâce à une politique rigoureuse de prévention des risques SST fondée sur la formation, l’organisation, la technologie et la vigilance collective, il est possible de réduire considérablement les expositions inutiles. L’objectif est double : Garantir la sécurité des professionnels et assurer des soins de qualité aux patients, dans le respect des normes réglementaires et éthiques.