Tout au long du 20e siècle, l'amélioration des réglementations, des Équipements de Protection Individuelle (EPI) et des dispositifs de sécurité sur les machines a permis une réduction continue de la fréquence et de la gravité des accidents du travail. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui encore, de nombreux accidents surgissent, et ce malgré les avancées technologiques. Ce phénomène met en lumière un aspect fondamental souvent négligé dans les stratégies de prévention : le facteur humain.
En effet, pour prévenir efficacement les risques professionnels, il est indispensable de comprendre et de gérer les comportements humains, qui représentent un facteur clé dans l'origine des accidents, même dans des environnements bien sécurisés. Qu’est-ce que le facteur humain ? Comment le prendre en compte dans l’analyse de risque ? Comment le maîtriser ? Des éléments de réponse dans cet article.
Bien que des dispositifs de sécurité soient présents et que les conditions de travail se soient considérablement améliorées, le facteur humain reste la principale cause des accidents. Les comportements à risque des employés, alimentés par des biais cognitifs, des illusions de sécurité ou encore un déni du risque, sont au cœur de nombreux incidents. Les erreurs humaines sont régulièrement identifiées lors des analyses post-accident, ce qui souligne la nécessité d'une meilleure prise en compte des aspects comportementaux dans la prévention des risques.
Les travailleurs, malgré les mesures de sécurité, continuent de commettre des erreurs ou d'adopter des comportements risqués, souvent en raison d’une mauvaise perception du risque ou d’un relativisme face à la sécurité. Ainsi, le simple fait d’installer des dispositifs de sécurité ou d'imposer des EPI ne suffit pas à garantir une sécurité optimale sur le lieu de travail.
Dans les méthodes traditionnelles d’évaluation des risques professionnels, les dangers sont identifiés et classés selon leur probabilité et leurs conséquences. Ces évaluations permettent de calculer un niveau de criticité des risques. Cependant, les travailleurs ne perçoivent pas toujours ces risques de manière rationnelle. Des biais perceptifs peuvent fausser leur évaluation du danger. Par exemple, un employé ayant de nombreuses années d'expérience dans un métier peut se dire : "Je n'ai jamais eu d'accident en 20 ans, pourquoi cela m’arriverait-il ?" Ce raisonnement biaisé peut l'amener à minimiser les risques réels, réduisant ainsi son niveau de vigilance.
Même avec une formation appropriée et une information claire sur les dangers, il est fréquent que les travailleurs ne modifient pas leur comportement. Le fatalisme ou un relativisme face aux risques peut les conduire à ne pas adopter des comportements de sécurité appropriés, comme porter un casque ou des lunettes de protection.
Les travailleurs adoptent parfois des attitudes de déni face aux risques, en se disant qu'un accident est peu probable ou que les risques sont exagérés. En outre, la perspective de sanctions pour non-respect des consignes de sécurité peut produire des effets pervers, comme la dissimulation des sources de dangers ou une gestion de la sécurité de façade. Ce phénomène souligne l'importance d’une gestion proactive des comportements à risque, plutôt que de se concentrer uniquement sur la répression.
L’étude de la perception subjective des dangers est donc essentielle dans les stratégies de maîtrise des risques. En comprenant comment les travailleurs perçoivent le risque, on peut mieux adapter les mesures de prévention et les rendre plus efficaces. Une dynamique de sécurité partagée, impliquant tous les acteurs de l’entreprise, est indispensable pour assurer un environnement de travail sûr.
L’une des principales difficultés dans la prévention des comportements à risque réside dans le fait que la plupart des managers et des directeurs d'usine ne sont pas toujours formés à la gestion du "facteur humain". Il est crucial que le management prenne conscience de son rôle et de son implication dans la création d’une culture de la sécurité. Il doit être convaincu que la prévention ne peut réussir sans une dynamique collective d’amélioration continue.
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Le développement d’une conscientisation collective au sein de l'entreprise est essentiel. Chaque employé, du plus haut niveau hiérarchique jusqu'à l’opérateur de terrain, doit comprendre que la sécurité est une responsabilité partagée. Le succès des programmes de sécurité dépend de la participation active des travailleurs dans l'élaboration des procédures de sécurité et dans la mise en œuvre des mesures de prévention. Donner la main aux opérationnels directement sur le terrain est indispensable pour engager les équipes et agir le cas échéant le plus rapidement possible.
Dans ce cadre, des formulaires numériques simplifient les démarches :
Toutes ces données peuvent être directement liées au DUERP ou à la cartographie des risques afin de rendre vivante et évolutive l'analyse des risques de l'entreprise.
Dans une entreprise de production automobile par exemple, des ateliers de travail participatifs peuvent-être organisés. Les employés sont invités à discuter des incidents passés et à identifier les comportements qui auraient pu les éviter. Par exemple, dans une situation où un opérateur n’a pas porté ses gants de sécurité pendant l'utilisation de machines, la discussion permet d’identifier ce comportement comme une source de risque, mais également de discuter si l’EPI est adapté à l’activité ou s’il faut trouver une alternative. Cette démarche permet une prise de conscience collective des risques et des solutions pratiques pour améliorer la sécurité au travail. Chacun devient force de proposition.
Le coaching sécurité, couramment utilisé dans de grandes entreprises déjà proactives dans les systèmes de management de la Qualité et de la SST permet d’accompagner les salariés sur le terrain et mettre en lumière certains comportements inadaptés, voire dangereux. Ces coachings, réalisés de manière bienveillante et constructive peuvent également témoigner d’un manque de moyens organisationnels (procédures, organisation...), techniques (matériel ou EPI), financiers ou humains, parfois sources de lassitude et de désengagement chez les salariés.
En complément, les techniques d’observation réciproque sont des outils puissants dans la prévention des comportements à risque. En observant et en analysant les gestes à risque et les gestes sûrs dans un cadre collaboratif, les employés peuvent partager leurs expériences et identifier ensemble les bonnes pratiques de sécurité. Cette méthode encourage un dialogue ouvert sur les comportements à risque, ce qui facilite une prise de conscience collective des dangers.
Par exemple, dans une usine automobile, des sessions d’observation des comportements à risque ont permis de mettre en évidence certaines pratiques dangereuses, comme l'absence de port d’EPI. Ces observations ont été suivies de discussions en groupe où chaque membre a exprimé son point de vue et proposé des solutions pour améliorer la sécurité. Par exemple, après qu’un employé a été vu manipulant une pièce chaude sans gant de protection, les opérateurs ont discuté des risques associés à ce comportement et des moyens d’éviter cette situation. Ce travail collaboratif a conduit à une réduction notable des accidents dans l’usine.
Bien que des avancées techniques aient considérablement amélioré la sécurité au travail, il est évident que la prévention des risques ne peut être pleinement efficace sans prendre en compte le facteur humain. La gestion des comportements à risque, la compréhension de la perception des risques et l’implication collective des travailleurs sont des éléments essentiels pour garantir un environnement de travail sécurisé. Une prévention intégrant le facteur humain et mettant l’accent sur l’implication des employés, leur responsabilisation et l’observation réciproque des comportements permet de créer une culture de sécurité durable. En comprenant et en agissant sur les comportements humains, il est possible de réduire de manière significative les accidents du travail, même dans les environnements les mieux équipés.