Au moment où sortent les premiers rapports CRSD pour les entreprises assujetties de la première vague, on ne peut que constater que la marche est encore haute. Si la marche forcée des entreprises soumises à la règlementation en année 1 a pu être vécue dans la douleur, la dynamique est lancée. Dans un contexte où la RSE est attaquée de toute part, comment maintenir le cap et surmonter la déprime ?
Les premières études font état d’un travail énorme : pour les entreprises concernées, les informations non-financières publiées dans le rapport de gestion sont en moyenne de 156 pages mais peuvent aller jusqu’à 365 ! Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Selon le cabinet Deloitte, sur un échantillon de 50 grandes entreprises françaises pour 15 secteurs représentés (“Etude sur les premiers rapports CSRD publiés en France”, Avril 2025) :
La consultation des parties prenantes externes (leurs fournisseurs, leurs clients, leurs investisseurs, la société civile et les acteurs publics) est devenue quasiment systématique pour nourrir l’analyse des enjeux matériels et avoir une vision stratégique plus complète de l’entreprise et de sa chaine de valeur (“CSRD 2025 : Enseignements de la première vague de rapports de durabilité”, BL Evolutions, mars 2025).
Quand l’enjeu est matériel, par exemple pour les thématiques Environnement, on a l’assurance d’avoir un premier niveau de publication des métriques, au moins de consommation ou de flux :
En ce qui concerne l’impact carbone, les stratégies d’atténuation au changement climatique sont les plus documentées et déclinées en plan d’action avec des leviers de décarbonation quantifiés.
Il est encore trop tôt pour statuer sur l’ambition des plans de transitions proposés pour les thématiques où la mesure et la récolte des données est plus compliquée : manque d’outils standardisés par exemple pour la biodiversité. Comme on pouvait s’y attendre, il s’agit dans un premier temps d’apprivoiser la méthode et les différents outils qui jalonnent la démarche : la CSRD est d’abord un outil.
Pour autant, les entreprises françaises ont pris de l’avance grâce à leur maturité historique (régulations précédentes, Grenelle 2, DPEF...) et plus de 80% d’entre elles ont publié des informations en avance de phase, en prévision de la deuxième année d’application de la CSRD.
Au moment où on remet en question le déploiement d’un cadre règlementaire trop exigeant et trop rigide, il peut être utile de rappeler que la démarche règlementaire portée par la CSRD s’est inspirée des méthodes de démarche volontaire, en particulier pour les stratégies climat et biodiversité.
A ce titre, attardons-nous à nouveau sur la VSME et le cadre progressif de déploiement que cela pourrait constituer à court terme pour continuer à “avancer avec ou sans cadre règlementaire”.
Critère | CSRD (règlementaire) | VSME (volontaire) |
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Nature | Directive européenne obligatoire pour certaines entreprises | Normes ou cadres volontaires, adoptés par engagement ou stratégie interne Cadre des Stratégies volontaires de l'état (Bas carbone, Biodiversité) |
Objectif | Normaliser le reporting de durabilité en Europe | Structurer une démarche environnementale / RSE proactive |
Cadre de référence | Normes ESRS (EFRAG) | ISO 14001, GHG Protocol, Bilan Carbone®, SBTi, etc. |
Champ d’application | ESG complet : Environnement, Social, Gouvernance | Principalement Environnement, parfois partiel (ex : émissions, énergie) |
Obligation légale | Oui (progressivement entre 2024-2028, selon taille et statut) | Non, mais souvent requis dans les appels d’offres, chaînes de valeur ou ESG scoring |
Public concerné | Grandes entreprises européennes + PME cotées | Toutes entreprises volontaires (PME/ETI surtout) |
Format du reporting | Standardisé, structuré, auditable | Variable : selon la norme ou les méthodes, parfois très libre |
Audité / vérifié | ✅ Oui – vérification obligatoire (assurance limitée, puis raisonnable) | ❌ Non obligatoire – mais possible (ex : audits ISO) |
Orientation stratégique | Externe : transparence envers parties prenantes, investisseurs, etc. | Interne : pilotage environnemental, amélioration continue Progression vers l'externe avec l'analyse de la chaine de valeur |
Méthodologies environnementales clés | GHG Protocol, Bilan Carbone, ISO 14064, alignement avec SBTi | ISO 14001, ISO 50001, Bilan carbone et SBTi, GHG Protocol , ISO 26000 |
Niveau de granularité exigé | Très détaillé, indicateurs quantifiés, double matérialité | Dépend de la norme, souvent plus souple Développement des méthodes de quantification (R&D volontaire des grandes entreprises) |
On peut considérer que le nouveau cadre VSME s’inscrit à la fois dans l’héritage des méthodes/démarches volontaires historiques fondées sur la science principalement sur l’environnement (voir SBTi pour le carbone par exemple) et également dans le cadre simplifié issu de la CSRD.
Comme la CSRD, la VSME est d’abord un outil de collecte de données qui doit faciliter la démarche de reporting et améliorer la transparence pour les parties prenantes stratégiques de la chaine de valeur. Cela peut être une opportunité pour les acteurs déjà engagés dans la durabilité d’acquérir des outils pour mieux pousser le sujet dans leurs organisations. C’est le pilier environnemental qui profite au premier chef de ce cadrage.
Il faut noter que la norme volontaire VSME est en cours de révision par l’EFRAG qui rendra sa copie définitive en octobre 2025 à la Commission européenne.
Si le contexte de crise actuelle, qu’elle soit économique ou climatique, encourage plutôt à la gestion des risques, il ne faut pas oublier que la France a montré la voie depuis longtemps d’une ambition forte : des politiques RSE solides sont en place et doivent pouvoir continuer à progresser. De nombreuses coalitions portent aujourd’hui la voix pour revendiquer cette différence.
Le socle de connaissance et les outils et méthodes développés dans le cadre de démarches volontaires doivent servir non seulement l’analyse des risques et les dommages économiques potentiels, mais aussi les transformations nécessaires dans un contexte concurrentiel.
Les grandes phases du diagnostic restent les mêmes : identification des enjeux RSE, définition des objectifs et des indicateurs, mise en œuvre des actions et communication et reporting.
Les modules de la VSME, en collectant les premières données utiles, peuvent permettre de structurer de premiers indicateurs de performance et de définir des objectifs clairs et mesurables en matière de RSE.